Les sorties du 8 août 2018

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Contrairement au programme des sorties de la semaine dernière, celui de ce mercredi-ci ne fait pas rimer manque de quantité avec qualité. D’où notre envie irrésistible de mettre d’abord en avant les ressorties, particulièrement séduisantes. Nous n’avons certes pas revu A Scene at the Sea depuis sa première sortie française à la fin du siècle dernier, mais le film de Takeshi Kitano nous avait profondément touchés à l’époque par la poésie cinématographique avec laquelle il évoque une histoire très simple, située dans les mondes hautement codifiés des sourds et des surfeurs. C’est donc sans conteste notre film de la semaine, une formidable occasion de finir l’été en beauté pour celles et ceux qui seraient d’ores et déjà sur le chemin du retour. Un autre chef-d’œuvre du cinéma asiatique est également à l’affiche cette semaine, A Brighter Summer Day de Edward Yang, produit la même année que le Kitano, quoique sorti initialement sur les écrans français dans des délais plus raisonnables. Il s’agit d’une magnifique fresque sur cet âge difficile et obscur qu’est l’adolescence, dont seule la durée considérable de quatre heures pourrait être un frein à l’enthousiasme de le découvrir sur grand écran. Enfin, les deux autres films d’antan, de retour au cinéma, valent également le détour : le conte social cubain très imprégné de l’état d’esprit des années ’90 Fraise et chocolat de Tomas Gutierrez Alea et le pétillant Lieutenant souriant de Ernst Lubitsch, déjà le troisième film sublime du réalisateur à ressortir cette année, en attendant carrément trois autres en septembre, octobre et décembre, Une heure près de toi, Haute pègre et La Huitième femme de barbe bleue.


Auréolés du prestige que confère une sélection en compétition au Festival de Cannes, deux films se disputent cette semaine les faveurs d’un public tant soit peu exigeant. Le moment choisi par leurs distributeurs respectifs est peut-être un peu précoce, puisque dans le cas du Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan, l’heure estivale n’est a priori pas encore à la consommation d’œuvres contemplatives d’une durée là encore conséquente de trois heures. Quant à Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, il devrait lui aussi batailler pour trouver son public avant de disparaître de l’affiche au profit des films de la rentrée. Enfin, Mary Shelley de Haifaa Al-Mansour ne nous inspire guère plus que de l’indifférence face à cette énième biographie filmique, surchargée de bonnes intentions et de relectures contemporaines du destin d’une femme d’exception, assez courageuse pour subsister dans le monde littéraire dominé par les hommes au début du 19ème siècle.


Les films grand public s’en sortent encore moins bien en cette semaine, qui fait enfin honneur à la réputation peu flatteuse et passablement datée de l’été en tant que décharge de films globalement irregardables. Car même le talent par intermittences de Tsui Hark ne semble pas avoir pu freiner la surenchère d’effets spéciaux grandiloquents et d’une esthétique visuelle inexistante dans les troisièmes aventures de Détective Dee. Le cinéma français ne s’en sort point mieux, avec la suite de Neuilly sa mère de Gabriel Julien-Laferrière, neuf ans après, toujours aussi généreux en clichés sur le communautarisme de la société française. Enfin, côté hollywoodien, rien ou presque n’est à sauver ni dans Darkest Minds Rébellion de Jennifer Yuh, le conte fantastique définitivement de trop sur des jeunes aux pouvoirs surnaturels déjà vus mille fois, ni dans L’Espion qui m’a larguée de Susanna Fogel, peuplé de comiques qui semblent plus à l’aise sur le petit écran comme Kate McKinnon de « Saturday Night Live » et Hasan Minhaj de la « Today show ».


L’Âge d’or des ciné-clubs L’Affaire Annabella Miscuglio de Emanuela Piovano (Italie, Drame, 1h38, distribué sur 15 copies) avec Laura Morante, Adriano Apra et Eugenia Costantini

Darkest Minds Rébellion de Jennifer Yuh (États-Unis, Science-fiction, 1h44) avec Amandla Stenberg, Harris Dickinson et Miya Cech

Détective Dee La Légende des rois célestes de Tsui Hark (Chine, Fantastique, 2h15, distribué sur 130 copies) avec Mark Chao, Shaofeng Feng et Carina Lau

L’Espion qui m’a larguée de Susanna Fogel (États-Unis, Comédie d’espionnage, 1h56, distribué sur 340 copies) avec Mila Kunis, Kate McKinnon et Justin Theroux

Mary Shelley de Haifaa Al-Mansour (États-Unis, Biographie filmique, 2h00, distribué sur 129 copies) avec Elle Fanning, Douglas Booth et Bel Powley

Neuilly sa mère sa mère de Gabriel Julien-Laferrière (France, Comédie, 1h42, distribué sur 565 copies) avec Denis Podalydès, Samy Seghir et Jérémy Denisty

Le Poirier sauvage de Nuri Bilge Ceylan (Turquie, Drame, 3h08, distribué sur 80 copies) avec Dogu Demirkol, Murat Cemcir et Bennu Yildirimlar (critique)

Under the Silver Lake de David Robert Mitchell (États-Unis, Thriller, 2h19, distribué sur 200 copies) avec Andrew Garfield, Riley Keough et Topher Grace (critique)

Reprises

A Scene at the Sea (1991) de Takeshi Kitano (Japon, Comédie dramatique, 1h40) avec Kurodo Maki, Hiroko Oshima et Sabu Kawahara

A Brighter Summer Day (1991) de Edward Yang (Taïwan, Drame d’adolescents, 3h57) avec Chang Chen, Lisa Yang et Chang Kuo-Chu

Fraise et chocolat (1993) de Tomas Gutierrez Alea (Cuba, Comédie dramatique, 1h50) avec Jorge Perugorria, Vladimir Cruz et Mirta Ibarra

Le Lieutenant souriant (1931) de Ernst Lubitsch (États-Unis, Comédie musicale, 1h29) avec Maurice Chevalier, Claudette Colbert et Miriam Hopkins

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