Les sorties du 18 novembre 2015

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Cette chronique aurait pu s’extasier devant le nombre mirobolant d’entrées générées par le dernier James Bond. Elle aurait pu évoquer un film qui colle certes à l’actualité, mais pas au point de faire mal. Elle aurait pu se réjouir de la diversité et de la richesse de ce nouveau programme hebdomadaire, à découvrir dans les salles françaises. Eh oui, elle aurait pu faire tout cela …

MadeInFrance

Hélas, les événements de vendredi dernier ont infligé un sérieux coup d’arrêt à l’insouciance et à l’optimisme qui se maintenaient tant bien que mal en France, malgré la crise économique et la première vague d’attentats en janvier. Aller au cinéma et en parler paraissent comme des occupations futiles, face à la peur et la terreur qui sévissent depuis cinq jours dans notre chère patrie d’adoption. D’ailleurs, de nombreuses salles ont préféré ne pas ouvrir pendant le week-end, à la fois par solidarité avec les victimes, fauchées alors qu’elles étaient en mode loisirs, et par crainte pour la sécurité dans ces lieux publics particulièrement exposés. De même, plusieurs films ont été hâtivement déprogrammés, soit parce que leur sujet était très proche du climat actuel, comme Made in France de Nicolas Boukhrief sur un jeune djihadiste, soit à cause du contexte peu propice en ce moment à une sortie ordinaire, comme le programme de courts-métrages Voyage en Grèce par temps de crise ou le western Jane got a gun.

 

Toutefois, la tristesse et le deuil prolongés ne peuvent pas être un remède acceptable à cette situation déprimante. Si l’on ne veut pas se laisser abattre par le message de haine des terroristes, la seule réponse serait de faire presque comme si de rien n’était, de continuer à vivre une existence préservée et libre, sans pour autant oublier le sacrifice des autres et le risque omniprésent. Bienvenue donc dans une ère nouvelle, plus polarisée et politisée que jamais, où justement la joie de vivre devra compter parmi nos biens culturels les plus importants à défendre. Continuons de sortir et par conséquent d’aller au cinéma, pour mieux retrouver cette force vive qui se trouve au cœur même de notre civilisation, aussi imparfaite soit-elle.

Idiot

Après cette longue préambule que nous espérons ne pas devoir répéter de sitôt, voici donc la liste des films qui sortent la semaine « d’après ». Souhaitons leur un parcours commercial au moins honorable dans cette période sombre, bien que la qualité ne soit pas forcément au rendez-vous. Car parmi les quatre films que nous avons pu voir en projection, un seul nous a réellement galvanisés (L’Idiot de Youri Bykov), tandis que les trois autres étaient plutôt moyens : Crazy Amy de Judd Apatow, Les Suffragettes de Sarah Gavron et Macbeth de Justin Kurzel. Notre confrère Jean-Jacques a, quant à lui, été plus clément à l’égard de El Club de Pablo Larrain – apparemment pas du tout le genre de film à vous remonter le moral – et de La Peau de Bax de Alex Van Wamerdam.

ThisIsNotALoveStory

Une bonne douzaine de nouveaux films sont à l’affiche cette semaine, avec en plus quelques ressorties tout à fait épiques. Notre coup de cœur incontestable de ce mercredi est ainsi L’Idiot du réalisateur russe Youri Bykov ou comment l’indignation civique mène à la déroute absolue dans un système corrompu. La résistance sous toutes ses formes est en effet un sujet omniprésent cette semaine : contre la discrimination des femmes au début du siècle passé dans Les Suffragettes, contre un système futuriste, totalitaire et manipulateur, dans le dernier épisode de Hunger games, contre la peine de mort dans Joe Hill de Bo Widerberg, contre la maladie dans This is not a Love Story de Alfonso Gomez-Rejon, sans doute ce que le cinéma américain a de plus séduisant à offrir cette semaine-ci.

Hermine

Le cinéma français reste assez discret, sans le film à potentiel polémique Made in France qui sortira peut-être l’année prochaine. La plus grosse sortie à ce niveau-là est le nouveau Christian Vincent, L’Hermine avec Fabrice Luchini et Sidse Babett Knudsen, qui avait fait sensation au dernier festival de Venise, où il avait remporté les prix du Meilleur acteur et du Meilleur scénario. Les trois autres films français devraient rester plus confidentiels : Je suis un soldat de Laurent Larivière qui n’est a priori pas un film de guerre, ainsi que le documentaire de danse Comme ils respirent de Claire Patronik et l’expérience artistique Maesta La Passion du Christ de Andy Guérif. Enfin, le cinéma allemand toujours aussi vigoureux nous propose Les Amitiés invisibles de Christoph Hochhäusler, un réalisateur qui avait su nous intriguer par le passé avec ses films exigeants Le Bois lacté et L’Imposteur.

Out1

La sélection des reprises est si abondante cette semaine, que vous pourriez passer tout votre temps jusqu’à mercredi prochain pour voir ces films du patrimoine cinématographique. L’œuvre phare dans cette catégorie est bien sûr la ressortie de Out 1 de Jacques Rivette dans son intégralité, c’est-à-dire treize ( !) heures d’extase filmique garantie. Pour rester à peu près abordable, ce film-fleuve est découpé en huit parties, qui sont par exemple visibles au Reflet Médicis à Paris au moins pendant deux semaines. En comparaison, la version intégrale de Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders s’apparente presque à un court-métrage avec ses près de cinq heures de durée, elles aussi difficiles à caser dans l’emploi du temps. Enfin les trois autres sorties en version restaurée respectent un format plus classique : A Swedish Love Story de Roy Andersson qui ressort déjà pour la troisième fois en moins de dix ans, The Blues Brothers de John Landis et La Coupe à 10 F de Philippe Condroyer.


 

Les Amitiés invisibles de Christoph Hochhäusler (Allemagne, Thriller, 1h53, distribué sur 4 copies) avec Florian David Fitz, Lilith Strangenberg et Horst Kotterba

Comme ils respirent de Claire Patronik (France, Documentaire de danse, 1h30)

Crazy Amy de Judd Apatow (Etats-Unis, Comédie dramatique, 2h05, distribué sur 103 copies) avec Amy Schumer, Bill Hader et Brie Larson (critique)

El Club de Pablo Larrain (Chili, Drame, 1h38, distribué sur 54 copies) avec Roberto Farias, Antonia Zegers et Alfredo Castro (critique)

L’Hermine de Christian Vincent (France, Comédie dramatique, 1h38, distribué sur 371 copies) avec Fabrice Luchini, Sidse Babett Knudsen et Bérénice Sand

Hunger games La Révolte Partie 2 de Francis Lawrence (Etats-Unis, Science-fiction, 2h16, distribué sur 832 copies) avec Jennifer Lawrence, Liam Hemsworth et Josh Hutcherson

L’Idiot de Youri Bykov (Russie, Drame social, 2h01) avec Artem Bystrov, Natalia Surkova et Dmitry Kulichkov (critique)

Je suis un soldat de Laurent Larivière (France, Drame, 1h36, distribué sur 96 copies) avec Louise Bourgoin, Jean-Hugues Anglade et Anne Benoît

Macbeth de Justin Kurzel (Royaume-Uni, Drame, 1h53, distribué sur 100 copies) avec Michael Fassbender, Marion Cotillard et David Thewlis (critique)

Maesta La Passion du Christ de Andy Guérif (France, Docu-fiction, 1h02, distribué sur 7 copies)

La Peau de Bax de Alex Van Wamerdam (Pays-Bas, Comédie, 1h36, distribué sur 20 copies) avec Tom Dewispelaere, Alex Van Wamerdam et Maria Kraakman (critique)

Les Suffragettes de Sarah Gavron (Royaume-Uni, Drame historique, 1h46, distribué sur 157 copies) avec Carey Mulligan, Helena Bonham Carter et Brendan Gleeson (critique)

This is not a Love Story de Alfonso Gomez-Rejon (Etats-Unis, Drame d’adolescents, 1h45) avec Olivia Cooke, Nick Offerman et Connie Britton

Reprises

 

A Swedish Love Story (1969) de Roy Andersson (Suède, Drame, 1h55) avec Ann-Sofie Kylin, Rolf Sohlman et Anita Lindblom

 

The Blues Brothers (1980) de John Landis (Etats-Unis, Comédie musicale, 2h13) avec John Belushi, Dan Aykroyd et James Brown

La Coupe à 10 F (1975) de Philippe Condroyer (France, Drame, 1h40) avec Didier Sauvegrain, Gilbert Bahon et Marius Balbinot

 

Joe Hill (1971) de Bo Widerberg (Suède, Drame, 1h28) avec Thommy Berggren, Anja Schmidt et Kelvin Malave

 

Jusqu’au bout du monde (1991) de Wim Wenders (Allemagne, Science-fiction, 4h50) avec Solveig Dommartin, William Hurt et Sam Neill

 

Out 1 (1971) de Jacques Rivette (France, Comédie dramatique, 12h55) avec Jean-Pierre Léaud, Michael Lonsdale et Bernadette Lafont

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