Critique : Le Jour où la Terre s’arrêta (Robert Wise)

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1946

Le Jour où la Terre s’arrêta

Etats-Unis, 1951
Titre original : The Day the Earth Stood Still
Réalisateur : Robert Wise
Scénario : Edmund H. North, d’après une nouvelle de Harry Bates
Acteurs : Michael Rennie, Patricia Neal, Hugh Marlowe, Sam Jaffe
Distribution : Splendor Films
Durée : 1h32
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 3 janvier 2018 (Reprise)

Note : 3,5/5

Les années 1950 étaient un âge d’or indéniable pour la science-fiction du côté du cinéma américain. Amplement nourri par un climat de paranoïa généralisé, ainsi que par des conditions de production qui aménageaient un terrain d’expérimentation bon marché, regroupé sommairement sous le terme de série B, le genre a vécu ses plus beaux jours pendant cette période-là. L’un des précurseurs majeurs de ce mouvement, qui allait s’essouffler dès la décennie suivante, plus propice aux délires psychédéliques qu’aux aventures de sous-coupes volantes, Le Jour où la Terre s’arrêta fait cependant figure à part, à la fois en raison de son envergure commerciale et de son message étonnamment pacifiste pour l’époque. Le film de Robert Wise ne décrit en effet pas l’invasion des extra-terrestres comme une menace aux traits manichéens, mais au contraire en tant qu’opportunité d’apprentissage pour l’humanité toute entière, à condition que cette dernière mette de côté ses divergences. Un propos qui a déjà dû dénoter au moment de sa sortie et qui lui assure désormais une place au panthéon de la science-fiction lucide, qu’il mérite également par l’élégance de sa mise en scène et sa lecture fine de l’influence des médias sur la conscience collective américaine.

Synopsis : Un objet volant non identifié contourne la Terre à une vitesse vertigineuse. Les gouvernements du monde entier surveillent de près ce phénomène étrange, sans savoir à quoi s’attendre. Finalement, l’engin venu d’une planète lointaine se pose en plein cœur de la capitale américaine. Klaatu, l’ambassadeur d’une race inconnue, tente de s’adresser à la foule, mais avant de pouvoir le faire, il est légèrement blessé par la balle d’un soldat dépassé par la situation. Admis à l’hôpital militaire de Washington, il prie le conseiller du président de convoquer une assemblée de tous les dirigeants de la planète, afin qu’il puisse leur transmettre simultanément son message de la plus haute importance pour la survie de l’humanité. Les conflits internationaux empêchent l’organisation d’une telle conférence. Klaatu voudrait alors vivre parmi les hommes, pour mieux comprendre d’où leur vient cet esprit guerrier. Quand sa requête est refusée, il s’échappe de sa chambre et s’installe dans une pension, où vivent également la secrétaire Helen Benson et son fils Bobby.

Flash info

Le générique de Le Jour où la Terre s’arrêta ne peut provoquer chez nous que de la nostalgie pure et dure, avec ses effets voyants censés montrer des galaxies lointaines, les noms des acteurs qui s’affichent en faux relief et une partition emblématique de Bernard Herrmann, qui nous rappelle pas par hasard celle de Danny Elfman pour Mars attacks ! de Tim Burton, cet hommage sublime aux films de science-fiction d’une époque qui n’a plus grand-chose en commun avec la nôtre, entièrement sous l’emprise des images de synthèse et des univers de super-héros quasiment invincibles. Or, Robert Wise se montre d’emblée assez conscient des enjeux contemporains – qui se sont au demeurant accrus jusqu’à dominer la perception de la réalité de nos jours – pour faire la part belle au relais médiatique d’un événement que l’homme attendait depuis la nuit des temps. Car la narration joue habilement sur plusieurs tableaux ici, dont le plus pertinent reste peut-être, près de 70 ans plus tard, le point de vue constamment filtré à travers le discours officiel des présentateurs de télé ou de radio. Ce sont eux qui alimentent la panique de façon artificielle auprès d’une population profondément perturbée, dès que sa perception d’un confort rassurant s’effrite. Et ce sont également ces esprits mercantiles, qui sortent des éditions spéciales alors qu’il n’y a rien d’essentiel à ajouter à la problématique de la rencontre intergalactique visiblement manquée.

La guerre des mondes

L’équilibre des forces, en apparence subtil, n’a en fait aucune raison d’être, puisque la communication entre l’émissaire, aussi distingué soit-il grâce à l’interprétation de Michael Rennie, et ses interlocuteurs terrestres, une série hétéroclyte de fonctionnaires plus ou moins incrédules et bornés, est dans l’impossibilité d’être établie. Le message ne passe pas au sein de l’intrigue entre des personnages aux ambitions larvées, voire à la stupidité manifeste. En parallèle, la mise en scène s’emploie justement à relever les risques d’un monde armé jusqu’aux dents, où la confrontation musclée est sans exception considérée comme la solution la plus fiable face à des dilemmes philosophiques, qui exigeraient une réponse plus nuancée. Les plans récurrents des voitures de police et autres tanks, prestement envoyés en intervention dès que la menace a l’air de se concrétiser quelque part, trouvent donc tout leur sens au sein d’un récit, qui traite au moins autant de notre réaction hystérique à l’invasion que du contenu de cette mise en garde vaguement amicale en lui-même. Le rythme du film s’en ressent d’une manière magistrale, grâce au mélange sophistiqué entre d’un côté l’incursion de Klaatu dans la normalité américaine presque caricaturale à travers le microcosme de la pension, un simulacre du mythe du creuset américain qui n’y fonctionne guère mieux qu’à l’échelle nationale, et de l’autre l’incapacité des dignitaires humains de trouver ne serait-ce qu’un dispositif d’accueil commun, libre de toute méfiance et des signes d’une violence impulsive, à cette main tendue en toute sincérité.

Conclusion

Robert Wise ne compte certes pas parmi les réalisateurs les plus prestigieux, au style personnel flamboyant qui ferait de lui le favori de toute une génération de cinéphiles. Sa filmographie contient toutefois un nombre impressionnant d’œuvres majeures, parmi lesquelles on peut citer sans aucune hésitation Le Jour où la Terre s’arrêta. Il s’agit d’un conte de science-fiction tout à fait exceptionnel, qui n’a hélas rien perdu de sa portée alarmante, ni en ce qui concerne spécifiquement les risques incalculables de l’arme nucléaire, ni plus largement quant à sa vision pessimiste de la nature humaine, belliqueuse et lâche au lieu d’être ouverte à un dialogue éclairé avec les porteurs d’un avis contraire.

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