Critique : Le Divan de Staline

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Le Divan de Staline

France, Portugal, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Fanny Ardant
Scénario : Fanny Ardant, d’après le roman de Jean-Daniel Baltassat
Acteurs : Gérard Depardieu, Emmanuelle Seigner, Paul Hamy, François Chattot
Distribution : Alfama Films
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : 11 janvier 2017

Note : 2,5/5

Le camarade Joseph Staline exerce un étrange pouvoir de fascination sur le cinéma français. Il n’y figure certes pas avec la même régularité que les icônes populaires de la république, de Coluche à Dalida, en passant par Yves Saint Laurent et Claude François. Mais dans le domaine historique et politique, le despote russe a le don de nous interpeller curieusement à chacune de ses apparitions dans des productions loin de sa terre natale. Cela a été le cas avec Une exécution ordinaire de Marc Dugain sorti il y a sept ans déjà, dans lequel André Dussollier était grimé avec un sens certain du grotesque en vieux dictateur souffrant. Le même sentiment d’incrédulité ne nous quitte pas non plus devant Le Divan de Staline, le troisième film de Fanny Ardant en tant que réalisatrice. Elle réussit au moins à traduire le vague à l’âme russe, au sein d’un récit sinon marqué par une prétention tortueuse. Quant à Gérard Depardieu, plutôt en forme ces derniers temps, il peine hélas à s’approprier pleinement ce monstre imprévisible, condamné à quelques jours de villégiature sans réel impact ni sur lui, ni sur le spectateur.

Synopsis : Contraint à se reposer pendant un bref séjour dans un château au milieu de la forêt, Staline y retrouve sa maîtresse de longue date Lidia. A côté de leurs jeux de séduction habituels, Staline a initié Lidia à la psychanalyse et à l’interprétation des rêves, par le biais d’un manuel signé Sigmund Freud. Sur son divan, le chef d’état lui révèle alors les détails intimes de son activité onirique, aussi pour mieux comprendre la décadence de la bourgeoisie occidentale. En même temps, le jeune peintre Danilov, choisi personnellement par Lidia pour créer un monument à la gloire de Staline, se prépare afin de rencontrer pour la première fois le sujet légendaire de son travail.

Une cage vide plongée dans le brouillard

La voix de Fanny Ardant est soyeuse et enchanteresse. Elle résonne sporadiquement au cours du film, en tant que voix off à la vocation poétique presque redondante dans le contexte d’un film d’emblée envahi par un état d’esprit hors du temps. Sa voix de metteur en scène, pour ainsi dire, se caractérise par les mêmes attributs. Grand amateur de la culture russe, elle arrive à copier pas sans adresse le ton particulier qui a parfois tendance à nous rendre les films d’un Alexander Sokurov, par exemple, si peu accessibles. Les éléments pragmatiques ou concrets se font en effet excessivement rares au fil d’une histoire faite d’incertitudes, où les personnages marchent sans cesse sur des œufs pour ne pas offusquer le père de la nation. Le revers de la médaille, c’est que pareille narration nébuleuse n’invite guère à l’implication, intellectuelle et encore moins affective, dans une intrigue aux enjeux très flous. Le sort de la cour de larbins, qui se soumettent sans broncher à la volonté impétueuse de Staline, nous importe ainsi peu, aussi parce que la description de ces esclaves sans personnalité se conforme à la même indifférence anémique que le ton du film dans son ensemble.

Séance de somnolence

Dans une carrière d’exception, qui alterne – pour exagérer grossièrement – entre le cabotinage à la télévision et des interprétations à fleur de peau au cinéma, le grand Gérard Depardieu n’est plus à une personnalité hors du commun près. Sans être complètement ratée, son approche de Staline reste pourtant trop dans l’introspection passive pour traduire les multiples facettes de ce barbare aux pattes de velours. Entre l’immobilisme monolithique de l’homme d’état et les enfantillages d’un vieillard gâté, voire gâteux, comme lorsqu’il imite le chant d’oiseau au petit déjeuner, l’acteur n’aménage pas un espace de transformation et de réflexion suffisamment important pour rendre son personnage fascinant ou tout au moins inquiétant. Ses partenaires à l’écran sont encore moins bien lotis, puisque Emmanuelle Seigner a beaucoup de mal à faire exister les pulsions iconoclastes de sa concubine sur le départ et que Paul Hamy s’avère sensiblement trop livide pour constituer un contrepoids crédible, en termes dramatiques et romantiques, pour rivaliser avec l’aura supposée de Staline. A moins que toute cette impuissance manifeste n’ait été voulue pour mieux suggérer l’état de torpeur qui pesait comme une chape de plomb sur les années Staline ?

Conclusion

L’ambition artistique du Divan de Staline ne fait guère de doute. La réalisatrice a manifestement voulu verser toute son admiration pour le spleen et la poésie russes dans ce conte historique. Dommage alors que tout ce qui résulte de tant de propension à la subtilité n’est qu’un film presque soporifique, à cause de sa difficulté à rendre pertinent un épisode anecdotique de la vie de Staline. Traité sous une forme filmique moins présomptueuse, celui-ci aurait pu en dire long sur les démons enfouis d’un homme, à raison si sévèrement jugé par l’Histoire.

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