Critique : Le Diable à trois

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Le Diable à trois

Etats-Unis, 1967
Titre original : Games
Réalisateur : Curtis Harrington
Scénario : Gene Kearney, d’après une histoire de Curtis Harrington et George Edwards
Acteurs : Simone Signoret, James Caan, Katharine Ross, Don Stroud
Distribution : Universal
Durée : 1h40
Genre : Thriller
Date de sortie : 1er décembre 1967

Note : 3/5

Le « Cinéma bis », cycle permanent de la Cinémathèque Française où une semaine sur deux ou trois presque tous les habitués de l’auguste institution se rassemblent pour écouter religieusement leur gourou, le directeur de la programmation Jean-François Rauger, avant de déguster un double programme de films de genre, contient parfois de bonnes surprises. Entre des navets de série Z, qui correspondent parfaitement à l’ambition de cet incontournable rendez-vous du vendredi soir de présenter des films « bizarres, fantastiques, d’horreur ou érotiques », des policiers italiens aux demoiselles dénudées et des aventures basiques qui ont dû bercer l’enfance ou l’adolescence cinéphile des spectateurs présents, pratiquement sans exception d’un certain âge, on y trouve de temps en temps des films soi-disant normaux, qu’on aurait presque tendance à qualifier comme trop sages et conventionnels pour satisfaire le goût pour la démesure et l’éclate jouissive qui y fait appel aux bas instincts du public. Ce fut le cas de ce thriller de la fin des années 1960, malicieux et machiavélique, quoique pas assez vicieux pour transcender une machination scénaristique que de nombreuses variations sur le même thème ont depuis rendu quelque peu transparente.

Synopsis : Le jeune couple formé par Jennifer et Paul Montgomery aime les faux-semblants et les mises en scène tordues. Le couple anime ainsi de fausses soirées ésotériques chez lui, qui laissent leur public d’amis perplexe. Un jour, Jennifer est interpellée en bas de chez elle par Lisa Schindler, une dame qui prétend connaître une de ses amies de lycée. Elle l’invite chez elle et finit même par la recueillir suite à un léger malaise, bien que cette femme ne soit en fait qu’une banale commerçante de produits cosmétiques. Mme Schindler ne se montre guère impressionnée par la salle de jeux que Paul aime collectionner. Plus adepte de jeux dangereux, elle entraîne le couple dans une spirale de mises en abîme de plus en plus violentes.

C’est bon d’être méchant

Interdit à l’époque aux moins de treize ans, ce film de Curtis Harrington a aujourd’hui plus tendance à nous faire sourire qu’à réellement nous effrayer. Trop d’histoires semblables ont depuis peuplé notre mémoire de spectateur assidu pour y déceler encore un quelconque aspect d’originalité. Parmi elles, on citerait en point d’orgue Usual suspects de Bryan Singer et les films les plus réussis de M. Night Shyamalan. Néanmoins, un plaisir indéniable demeure à observer le triangle de personnages formé par Katharine Ross, Simone Signoret et James Caan se jouer des tours de moins en moins bienveillants. Sur fond d’un déséquilibre larvé en termes de richesse matérielle, ils s’emploient à épicer mutuellement une existence qui paraît avoir perdu toute saveur. Jouer avec le feu devient pour eux presque un état d’esprit dominant, comme si cette espièglerie omniprésente pouvait cacher l’ennui qui semble caractériser leur quotidien. Bien entendu, la farce ne tarde pas à tourner à la tragédie. La deuxième partie du film relève ainsi davantage du thriller psychologique au féminin, avec la perte de raison progressive de Jennifer, qui n’est pas sans rappeler – l’aspect diabolique en moins – la folie paranoïaque qui allait rendre Rosemary’s baby de Roman Polanski si insoutenable l’année suivante.

Fini la rigolade

Or, le moment clé qui dénote positivement dans Le Diable à trois est cet instant de basculement, où la façade de l’amusement risque de s’écrouler irrémédiablement. Sans vouloir trop révéler de ce retournement sanglant de situation, nous dirons simplement que la bonne humeur plutôt immature du couple vedette s’y voit soudainement confrontée aux conséquences aussi graves que réalistes de ses actes. C’est alors, le temps de composer son comportement et de s’adapter à ce changement de donne radical, que toute l’hypocrisie de la culture américaine, personnifiée par Jennifer et Paul, s’écroule avec fracas. Cet éveil brutal se lit magistralement sur le visage de James Caan, un acteur abonné aux rôles de bon vivant viril qui a réussi pourtant à leur conférer parfois un certain aplomb. Dommage que la suite du récit retourne à une forme plus inoffensive de la manipulation, dont les enjeux sont en fin de compte plus personnels et motivés par l’appât du gain, lui aussi symptomatique des failles de la société américaine, qui sont au mieux égratignées dans ce film distrayant.

Conclusion

Le mécanisme de la ruse fonctionne convenablement dans ce film narquois. Il n’y a certes pas de quoi crier au miracle, surtout à cause de la première partie un tout petit peu laborieuse, mais dans l’ensemble, les interprétations très solides et le regard malicieusement amusé de la mise en scène l’élèvent au niveau d’un divertissement de haut vol.

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