Critique : L’Abri

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L’Abri

Suisse, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Fernand Melgar
Scénario : –
Acteurs : –
Distribution : Dissidenz Films
Durée : 1h42
Genre : Documentaire
Date de sortie : 4 mars 2015

Note : 3,5/5

C’est l’hiver. Il fait un peu froid sur la région parisienne, mais pas non plus assez pour que l’on se fasse des soucis, outre mesure, pour les personnes qui vivent dehors. De toute façon, ces dernières se sont fait voler la vedette, en termes de couverture médiatique, par les événements récents, plus dangereux pour notre ressenti immédiat de sécurité et de confort que la peur diffuse de dégringoler un jour l’échelle sociale jusqu’à devenir un sans-abri. Nous sommes tout à fait conscients de la laideur de ce constat, aussi implacable et objectif soit-il. Heureusement, des documentaires coup-de-poing comme celui-ci existent, qui nous arrachent à notre torpeur et notre indifférence !

Synopsis : A Lausanne, la municipalité gère plusieurs centres d’hébergement d’urgence pour les sans-abris, dont celui de la protection civile, en lisière de la ville. Tous les soirs des mois d’hiver vers 22h00, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants se pressent à sa porte d’entrée métallique pour obtenir un repas chaud et un lit. Et tous les soirs, ou presque, le personnel est obligé de refuser du monde dans cette structure que ses habitants passagers appellent sans affection « le bunker ».

Ne poussez pas !

Malgré ses déconvenues monétaires récentes, la Suisse est un pays riche. Plus riche que la France en tout cas, alors que l’on partage avec nos voisins helvétiques à peu de choses près les mêmes valeurs et la même culture. Le fait que l’action de L’Abri se déroule de l’autre côté de la frontière n’a ainsi que peu d’incidence sur son degré d’accessibilité, d’autant plus que le sujet traité se manifeste avec encore plus d’urgence dans l’état de crise économique que notre pays traverse actuellement. Les personnes qui se bousculent au portillon du centre – que l’on pourrait interpréter comme une métaphore pour l’Europe toute entière, même si la mise en scène de Fernand Melgar se refuse à tout rapprochement aussi sommaire – sont les mêmes, par leurs motivations et leurs origines, que celles qui tentent leur chance en France. Aux côtés des Africains et des Roms, on trouve désormais des Espagnols, contre toute attente logés à la même enseigne que les témoins récurrents de l’exode. Ce qui n’était qu’une fiction poignante, il y a quelques mois, dans La Belle jeunesse de Jaime Rosales, se base donc sur une réalité sociale que ce documentaire incorpore sans fausse pudeur.

Il n’y a plus de places, revenez demain !

Si l’aspect humain de la précarité est au cœur du cinquième film du réalisateur, il ne fournit à aucun moment le prétexte pour un quelconque chantage aux sentiments. La sincérité du regard anoblit au contraire le propos du film. Elle n’a d’autre objectif que de tenir compte d’un palliatif, qui n’arrange personne : ni ceux et celles qui doivent presque se battre comme des fauves pour obtenir un accueil minimal, ni les travailleurs sociaux qui se débrouillent comme ils le peuvent avec les moyens du bord, tout en redoutant les petites remontrances matinales du gérant. Il n’y a pas de méchants dans cette histoire, et surtout pas de parasites dans un système social suisse très avare en cadeaux. Juste une pauvreté omniprésente, qui fait froid dans le dos, parce qu’elle se situe à proximité immédiate de notre richesse relative. Les rares cas individuels que la caméra suit au fil du temps, comme Amadou, le Sénégalais qui est tombé victime de la chimère de l’eldorado européen, servent subtilement d’exemple et de repère dans un monde si instable, que ceux et celles pas assez forts pour y subsister disparaissent sans laisser de trace.

Conclusion

L’hiver, ils ont ce souterrain peu hospitalier pour les abriter sans la moindre garantie ou pire, selon un système de réservation qui ne fait que réguler davantage la misère. Mais en été, comment font ces dizaines d’individus qui vivent en marge de la société ? Que vont devenir tous ces malchanceux si ce n’est des ivrognes au regard hagard comme ceux sur lequel se clôt le film ? Autant de questions auxquelles ce documentaire d’une beauté crue n’a pas vocation de répondre. Ce qu’il fait très bien, cependant, c’est de nous rappeler avec vigueur à quel point des êtres humains – comme vous et moi – se cachent derrière ce flux de migration incessant que ni la Suisse, ni la France ne savent gérer dignement.

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