Critique : La Légende du saint buveur

2
1809

La Légende du saint buveur

Italie, France, 1988
Titre original : La leggenda del santo bevitore
Réalisateur : Ermanno Olmi
Scénario : Ermanno Olmi et Tullio Kezich, d’après le roman de Joseph Roth
Acteurs : Rutger Hauer, Anthony Quayle, Sandrine Dumas, Dominique Pinon
Distribution : Bac Films
Durée : 1h59
Genre : Drame
Date de sortie : 5 avril 1989

Note : 2,5/5

Ce lauréat du Lion d’or au festival de Venise, attribué en 1988 par le jury sous la présidence de Sergio Leone, a eu beaucoup de mal à nous convaincre. Le sort d’un ivrogne qui ne sait pas trop comment réagir à une avalanche de petits miracles, susceptibles de changer définitivement sa condition de vie misérable, y est évoqué sur le ton d’une allégorie mi-figue, mi-raisin. En refusant de s’engager dans l’une des deux approches les plus évidentes – et a priori mutuellement exclusives – pour traiter un sujet pareil, le réalisateur Ermanno Olmi amoindrit considérablement son envergure sociale et son impact émotionnel. Il aurait en effet été facile de forcer le trait, soit du côté d’un réalisme cru et déplaisant, soit en colportant activement le mythe des clochards parisiens. A notre grand regret, l’indécision de la narration de trancher clairement entre ces deux options rend la vision de La Légende du saint buveur assez éprouvante.

Synopsis : Alors qu’il descend sur les quais de Seine, où il mène une existence précaire en dormant sous les ponts, Andreas Kartak est abordé par un monsieur distingué. Celui-ci lui propose de l’argent, en guise d’aumône pour honorer son admiration pour la sainte Thérèse. Le clochard n’accepte les deux-cents francs que son bienfaiteur lui tend avec insistance qu’à condition de les rendre le dimanche suivant à l’église désignée par l’homme généreux. Andreas compte d’abord profiter modestement de sa nouvelle richesse temporaire. Or, le geste de l’inconnu n’est que le premier épisode d’un enchaînement d’événements en sa faveur, qui lui permettra peut-être de reprendre sa vie en main.

Une loque humaine par excellence

Nous éprouvons plus qu’un léger effet de déjà-vu face à Rutger Hauer dans le rôle principal de ce film-ci, par rapport à Paul Newman lors de son interprétation magistrale d’un personnage semblable, six ans plus tôt, dans l’infiniment plus engageant Verdict de Sidney Lumet, ainsi que dans ses films à la fin de sa carrière. Bien que le jeu respectif des deux acteurs se ressemble, on n’assiste pas non plus à une leçon de mimétisme éhonté de la part de Hauer, qui se glisse d’une façon crédible dans la peau de cet homme à la fois pessimiste et hédoniste. L’échec relatif du récit n’est pas non plus imputable à la belle photographie de Dante Spinotti, à laquelle les rares clichés du film trouvés sur le web ne rendent hélas nullement justice. Visuellement, cette histoire baigne dans des tons oniriques, qui évoquent avec une certaine poésie un Paris à la topographie urbaine passablement imaginaire, mais surtout définitivement révolue, à l’image des abords du pont de Bercy qui ont drastiquement changé depuis.

La chance, mais pour quoi en faire ?

Non, le point d’une discorde plutôt molle qui nous laisse si dubitatifs face à cette adaptation d’un roman de Joseph Roth, c’est le manque flagrant de clarté du propos du film. Même en laissant de côté tous les coups de pouce du destin de moins en moins probables, qui auraient dû chambouler la routine terne de la vie d’Andreas, nous craignons de ne pas avoir saisi entièrement l’enjeu véritable de cette parabole à fort caractère méditatif. A la limité, la reconnaissance de l’impuissance de l’homme à changer, afin de faire amende honorable de ses erreurs, pourrait faire l’affaire. Mais pourquoi alors avoir surchargé le scénario de retours en arrière trop lourds de sens et de cercles vicieux aux modes opératoires progressivement plus répétitifs ? Sans oublier une étrange pudeur à l’égard des nombreuses aventures sexuelles du héros au bout du rouleau, évacuées sans exception par des subterfuges de montage, qui contribuent à accentuer encore notre impression de frilosité et d’irrésolution de la part de Ermanno Olmi.

Conclusion

En tant qu’introduction à l’œuvre du cinéaste italien Ermanno Olmi, nous aurions sans doute pu trouver un film au message moins cryptique. Car à bien des égards, La Légende du saint buveur fait figure d’exception au sein d’une filmographie, qui avait apparemment privilégié un regard plus réaliste, quoique toujours aussi moralisateur, sur la vie des classes déshéritées.

2 Commentaires

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici