Critique : Henri

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Henri afficheHenri

France, Belgique : 2013
Titre original : Henri
Réalisateur : Yolande Moreau
Scénario : Yolande Moreau
Acteurs : Pippo Delbono, Candy Ming, Jackie Berroyer, Lio
Distribution : Le Pacte
Durée : 1 h 47
Genre : Comédie Dramatique
Date de sortie : 4 décembre 2013

3,5/5

Cela fait déjà un bon moment que le jeu de la comédienne belge Yolande Moreau a conquis les cinéphiles : en 1985, elle était Yolande dans Sans toit ni loi d’Agnès Varda. Depuis, elle a enchaîné les films, le plus souvent dans des seconds rôles, parfois dans un premier rôle, comme dans Séraphine, probablement son rôle le plus important. Il y a 9 ans, elle s’était lancée dans la réalisation, en collaboration avec Gilles Porte, avec Quand la mer monte, César du meilleur premier film en 2005. Cette fois ci, elle est seule aux commandes pour Henri, film de clôture de la Quinzaine des Réalisateurs en mai dernier.

Synopsis : Henri, la cinquantaine, d’origine italienne, tient avec sa femme Rita un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina ». Une fois les clients partis, Henri retrouve ses copains, Bibi et René, des piliers de comptoirs ; ensemble ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs. Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé. Leur fille Laetitia propose alors à Henri de se faire aider au restaurant par un « papillon blanc », comme on appelle les résidents d’un foyer d’handicapés mentaux proche de « La Cantina ». Rosette est de ceux-là. Elle est joyeuse, bienveillante et ne voit pas le mal. Son handicap est léger, elle est simplement un peu « décalée ». Elle rêve d’amour, de sexualité et de normalité. Avec l’arrivée de Rosette, une nouvelle vie s’organise.

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La rencontre de deux éclopés

Henri et Rita sont tous les deux d’origine italienne et ils tiennent un petit bar-restaurant, « La Cantina », dans la banlieue de Charleroi. Henri est un ancien coureur cycliste et il est devenu un colombophile passionné. Manifestement, Henri préfère passer du temps avec les deux piliers de bistrot que sont Bibi et René plutôt qu’avec son épouse et les Leffe et les Jupiter sont ingurgitées à fréquence élevée sur fond de blagues salaces et de chansons paillardes. En somme, tout va bien, ou presque, sauf que, très vite, Rita meurt dans un accident, laissant Henri tout seul à la tête du restaurant. Manifestement, sans Rita qui s’occupait du service, il ne s’en sort pas ce qui conduit sa fille Lætitia à lui conseiller d’engager un « papillon blanc » pour l’aider, en l’occurrence une jeune fille handicapée vivant dans un foyer voisin. Cette jeune fille, Rosette, souffre d’une déficience mentale légère mais elle aspire à être dans la norme et, en particulier, à connaître une sexualité normale. La solitude d’Henri et celle de Rosette vont se rencontrer, apprendre à se connaître, à s’apprécier, à s’aimer.

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Un talent qui s’affirme

Le scénario de Henri a commencé à voir le jour pendant les repérages pour Quand la mer monte avec la rencontre d’un patron de resto, colombophile passionné. L’attirance de Yolande Moreau pour les personnages décalés a fait le reste : un veuf paumé et peu bavard qui doit arriver à faire son deuil, une jeune handicapée mentale qui aspire à connaître l’amour, des piliers de bistrot qui essayent de donner le change, un foyer dans lequel vivent des hommes et des femmes souffrant d’un handicap, physique ou mental. Ce que, in fine, elle nous propose, prouve que Yolande Moreau a un véritable talent de scénariste et de réalisatrice. On retrouve dans Henri sa sensibilité si particulière. Le regard qu’elle porte sur les handicapés est à la fois tendredrôle et direct. Bien évidemment, à l’exception de Rosette, elle ne pouvait pas faire autrement que choisir de véritables handicapés interprétant leurs propres rôles. Contrairement à Gabrielle, le film canadien sorti récemment, il n’y a jamais la moindre émotion un peu facile lorsqu’elle nous les montre. Elle n’hésite pas à nous les présenter chantant des chansons paillardes mais quand ils nous font rire, on ne rit pas d’eux, on rit avec eux. De même, le sentiment qui naît entre Henri et Rosette n’apparaît jamais ridicule et la réalisatrice arrive même à nous faire ressentir un début d’empathie face à la bêtise crasse et imbibée de Bibi et René. Par ailleurs, Yolande Moreau nous gratifie de quelques scènes pleines de poésie, comme les scènes d’envols de pigeons, comme la scène qui voit Rosette se draper dans les rideaux blancs d’un hôtel, transformant ces rideaux en robe de mariée.

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Des choix judicieux

Dans l’esprit de Yolande Moreau, Henri devait être un de ces nombreux immigrés italiens venus s’installer dans la région de Charleroi après la guerre. Sa recherche d’un comédien italien l’a conduite à choisir Pippo Delbono qu’on a vu récemment dans un rôle d’avocat dans Cha Cha Cha et dans un rôle de prêtre dans Un château en ItalieCandy Ming, parfaite dans le rôle de Rosette, Yolande Moreau l’avait côtoyée dans des films du duo Kervern Delépine et elle avait été frappée par sa présence qu’elle juge fascinante. Par ailleurs, Lio fait une courte apparition dans le rôle de Rita, Jackie Berroyer et Simon André interprétant Bibi et René. Quant à Yolande Moreau, elle avait écrit le film en imaginant jouer elle-même le rôle de Rosette mais, quand elle s’est rendue compte qu’elle était trop âgée pour y être crédible, elle s’est créé un petit rôle, celui de Tante Michèle, une femme bavarde au milieu des taiseux qui participe activement à la préparation du repas qui suit l’enterrement de Rita. Dernier personnage important, la musique. On sent que, chez Yolande Moreau, cet élément n’est pas laissé au hasard. Le comédien Wim Willaert, le porteur de géants de Quand la mer monte, a composé une musique qui reflète parfaitement le monde intérieur des personnages. Pas de hasard dans le choix de la chanson qu’on entend lors de l’enterrement de Rita, sa chanson préférée, « Ti Amo », une scie italienne interprétée par Umberto Tozzi.

Résumé

Henri, Rosette, dans le film de Yolande Moreau, ces deux personnages ont une importance égale. Comme il était difficile, après le Rosetta des frères Dardenne, de donner Rosette comme titre à un film belge, le choix du titre s’est porté sur Henri ! Et Henri montre avec force que Yolande Moreau est une réalisatrice prometteuse qui, espérons le, n’attendra pas 9 ans pour venir nous présenter une de ces histoires tendres et décalées dont elle semble avoir le secret.

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