Critique : Go Go Tales

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go go tales - afficheGo Go Tales

Etats-Unis, 2007
Titre original : –
Réalisateur : Abel Ferrara
Scénario : Abel Ferrara, Scott Pardo
Acteurs : Willem Dafoe, Bob Hoskins, Matthew Modine
Distribution : Capricci Films
Durée : 1h36
Genre : Comédie
Date de sortie : 8 février 2012

Note : 4/5

Synopsis : Ray Ruby est le manager d’un cabaret de gogo danseuses qui peine à décoller. Face à une propriétaire qui insiste pour récupérer les retards de loyer, un frère qui finance ses dépenses inconséquentes et ses employées qui menacent de faire grève pour se faire payer, il ne trouve qu’une solution de la dernière chance : jouer à la loterie. Et évidemment, le résultat ne va pas être bon pour lui, malgré une martingale apparemment infaillible.

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Tourné en 2007 mais sorti seulement cinq ans plus tard en salles, Go Go Tales redonnait de très bonnes nouvelles de Abel Ferrara qui n’avait pas été autant en forme depuis Nos Funérailles et The Addiction qui remontaient tous deux à l’année 1996.

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Une comédie jubilatoire

Une comédie jubilatoire réalisée par ce cinéaste, cela en fait même une double surprise et c’est un vrai bonheur. Certes, ces contes de go-go dancer ressemblent à une blague de potache mais on s’amuse sans réserve des mésaventures de Willem Dafoe en patron désespéré, prêt à tout pour gagner suffisamment d’argent pour rêver un peu plus longtemps au succès qui lui échappe.

Ray Ruby est comme un enfant dans un corps d’adulte qui ne veut qu’atteindre cette gloire à laquelle il rêve depuis tout petit, allant jusqu’à décorer un frisbee avec sa tête pour faire de la publicité. Finalement, il n’agit ainsi que pour prouver à ses parents décédé qu’il peut réussir dans la vie, ce qu’il révèle dans une tirade impressionnante où il exprime ce qu’il ressent par rapport à son enfance ou sa soif de reconnaissance. On devine que ses rapports avec son frère, interprété par Matthew Modine qui se laisse aller sans retenue (et c’est d’ailleurs un bonheur de la voir jouer au piano miniature avec un caniche nain) ont souffert de cette pression. Pourtant, la réussite de ce dernier, principal financier de son frère, et presque le seul, repose sur une entreprise de toilettage pour chiens, ‘je sors d’un marathon de la péroxidation’ rappelle-t-il à son entrée.

Bob Hoskins, Riccardo Scarmacio et Matthew Modine
Bob Hoskins, Riccardo Scarmacio et Matthew Modine

Un autoportrait d’Abel Ferrara ?

Enfin, l’aveu de ce monsieur loyal d’un genre particulier sur ses addictions au jeu, aux femmes et à l’alcool, fait évidemment penser à celles que l’on devine du réalisateur, qui ne s’est peut-être jamais autant livré qu’ici. Ses danseuses maltraitées peuvent être vues comme ses films parfois impressionnants, parfois terriblement ratés. Willem Dafoe lui prête ses traits avec un dévouement extraordinaire en homme constamment sur la corde. Il sait même se faire plus tendre lorsqu’il révèle dans une tirade impressionnante ce qu’il ressent par rapport à son enfance ou sa soif de reconnaissance. Pourquoi continuer quand tout le monde vous dit d’arrêter ?

On peut voir la propre détermination de Abel Ferrara qui continue à faire des films, malgré le désintérêt grandissant pour son oeuvre, aussi bien du public que des critiques, à l’exception de quelques fidèles dévoués. Il est le scénariste et l’auteur des paroles des chansons, pour des numéros de cabaret désolants et pathétiques. Le regard n’est pourtant pas méprisant, mais humain et chaleureux. Et si le style semble être tenu au strict minimum, son talent de cinéaste est pourtant remarquable et jamais le sentiment de huis-clos n’écrase ses protagonistes, grâce à une mise en scène vive et une atmosphère ludique qui ne cache pourtant pas la mélancolie de l’oeuvre. Le joli deus ex-machina à la Molière sera agréablement détourné et le dernier plan avec son sourire forcé est à la fois hilarant et profondément touchant.

Asia Argento
Asia Argento

Des seconds rôles excellents

Le casting des seconds rôles est excellent : Sylvia Miles désopilante de mauvaise humeur et violente, Burt Young dans une brève apparition en client très fidèle, Lou Doillon surprend dans un rôle quasi-muet ou Asia Argento qui se met à nu (ce qui est toujours plaisant) et  joue sur l’effet déstabilisant qu’elle peut susciter avec la complicité de son chien qui agace le cuistot du lieu, qui fait des hot-dogs bio grillés au micro-ondes (Pras du groupe The Fugees). On retrouve le vétéran Roy Dotrice en comptable adepte du jonglage des chiffres, protecteur maladroit avec son cadet (‘ je vérifie encore une fois le 7’ – phrase affreusement drôle qui va lancer une course au billet de loterie – un classique de la comédie burlesque) ou Bob Hoskins, numéro deux des lieux, victime du train de 20h38 qui fait fuir les travailleurs banlieusards et proche du rôle qu’il tenait dans Mme Henderson présente et qui n’est pas sans rappeler non plus ce bon vieux Cosmo Vitelli de Meurtre d’un bookmaker chinois (en moins tragique, mais tout aussi dérisoire). Enfin, signalons le videur qui imite Marlon Brando en Marc-Antoine dans l’indifférence générale.

Burt Young et Sylvia Miles
Burt Young et Sylvia Miles

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Résumé

Entouré par une distribution étonnante (Bob Hoskins en tête), Willem Dafoe est drôle et touchant en double évident d’Abel Ferrara dans un Paradise décadent. Quand le réalisateur de Driller Killer, Body Snatchers ou The King of New-York tente la comédie burlesque, il surprend et retrouve une énergie inattendue avec une pointe de délicate mélancolie.

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