Festival du court métrage 2015 : la Compétition Labo

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Parmi les trois grandes compétitions en lice depuis une semaine au Festival du court métrage, la compétition Labo, avec 34 films répartis en 5 programmes, donne à voir les productions cinématographiques résultant d’expérimentations décalées, inventives et ambitieuses. Aujourd’hui samedi 7 février, le grand prix Labo a été décerné au documentaire expérimental allemand de Susann Maria Hempel, Sieben Mal am Tag beklagen wir unser Los und nachts stehen wir auf, um nicht zu träumen (Sept fois par jour nous pleurons sur notre sort et nous nous levons la nuit pour ne pas rêver).

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Des documentaires, dont le grand prix Labo

Sieben Mal am Tag beklagen wir unser Los und Nachts stehen wir auf, um nicht zu (Sept fois par jour nous pleurons sur notre sort et nous nous levons la nuit pour ne pas rêver)

Allemagne, 2014
Réalisateur : Susann Maria Empel
Durée : 18min
Genre : Documentaire expérimental

Synopsis : Confession cinématographique inspirée par des entretiens avec un grand malade qui vécut à la campagne en Allemagne de l’Est, perdit la mémoire en 1989 et se mit à faire d’horribles cauchemars.

Difficile de rester indifférent face au court métrage de Susann Maria Empel, dont le titre à rallonge exprime les complications mentales d’une narratrice privée de mémoire et qu’on suppose infirme, alors qu’elle est en plein délire spirituel d’elle-même. Un intérieur délabré, où banderoles de tissu, suspensions lumineuses, insectes factices et poupées d’enfant démembrées s’animent au gré d’un récit délirant en voix off et d’une musique aussi infernale qu’enfantine, mime et pour ainsi dire spatialise avec brio les ruminations pathologiques d’une femme sans mémoire.

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Deux autres films documentaires se démarquent de la sélection, d’autant qu’ils font écho au même problème de société : S, classique dans sa forme, et Onder Som, plus audacieux dans sa forme, à propos desquels nous avons écrit ici.

Évoquons encore Ser e Voltar (Être et revenir) de Xacio Baño, où le cinéaste (Xacio Baño lui-même, ou bien son double fictif ?) rend visite à ses grands-parents à la campagne pour réaliser un portrait vidéo. Avec des plans assez classiques où les grands-parents sont filmés occupés par les tâches quotidiennes de la ferme, l’homme à la caméra lit le scénario de fiction qu’il aimerait voir jouer par des grands-parents qui n’ont aucun goût pour le cinéma.

Ser e Voltar (Être et revenir)

Espagne, 2014
Réalisateur : Xacio Baño
Durée : 14min
Genre : Documentaire expérimental

Des animations à foison

Parmi les nombreuses animations du Labo (un tiers de la programmation), Symphony No. 42 demeure décidément parmi les plus réussies, aux côtés de 365 (qui repose sur une composition similaire), Dans la joie et la bonne humeur et Fok Nabo Distorio, qui occupe quant à elle une place un peu à part.

Symphony No 42

Hongrie, 2014
Réalisateur : Réka Bucsi
Durée : 9min33
Genre : Animation

Synopsis : Un récit qui présente, de façon originale, un univers subjectif en 47 scènes. Des événements de la vie quotidienne mettent en évidence la cohérence irrationnelle du monde qui nous entoure. Des situations surréalistes qui mettent en scène les humains et leur rapport à la nature.

Recréation d’une nouvelle symphonie (cinématographique) de la symphonie No 9 de Beethoven, Symphony No 42 compose un univers subjectif en 47 scénettes animées inspirés de thèmes urbains ou ruraux, fantasques, cosmiques et même extra terrestres.

 365

Royaume Uni, 2013
Réalisateur : Myles McLeold
Durée : 7min
Genre : Fiction animée

Synopsis : Une année, un film, une seconde par jour. Une série de 356 séquences animées d’une seconde chacune, réalisées à raison d’une part jour, du 1er janvier au 31 décembre 2013, pour recréer une sorte d’almanach réel et imaginé.

365, avec ses 365 séquences animées, produit l’effet d’une trajectoire électrique et électrisante, sur un rythme effréné qu’on a parfois du mal à suivre, mais qui pour cette raison crée aussi l’impression d’hallucinations séduisantes inspirées des imaginaires de la science fiction et des anciens jeux vidéos.

Dans la joie et la bonne humeur

Belgique, 2014
Réalisateur : Jeanne Boukraa
Durée : 6min
Genre : Fiction animée

Synopsis : Nous observons, à travers des scènes du quotidien, les dégénérescences d’une société où la technologie grandissante a donné accès à la population au plus grand rêve de tous les hommes : l’immortalité.

Même si, du point de vue du dessin, Dans la joie et la bonne humeur n’est pas aussi réussi, à notre avis, que ceux de 365 ou Symphony No 42, le court métrage de Jeanne Boukraa donne à voir de façon percutante ce que serait la vie quotidienne des hommes s’ils se savaient immortels : entre l’anthropophagie, la mutilation, et l’utilisation de corps humains vivants comme d’objets, la dégénérescence morale d’une humanité fictive mais réaliste s’exprime par la déformation et l’ouverture des corps.

Fok Nabo Distorio

Estonie, 2014
Réalisateur : Francesco Rosso
Durée : 7min
Genre : Animation expérimentale

Synopsis : Illustration d’un extrait de Liivaterade Raamat, une composition de Liis Viira. L’improvisation a été créée en filmant image par image différents objets à travers des lentilles de contact.

Fok Nabo Distorio, qui se démarque par son caractère non figuratif, se regarde comme on regarderait une peinture de Delaunay. L’animation de formes géométriques aux couleurs mouvantes produisent une danse fascinante, à l’équilibre instable, aux évocations oniriques.

Fok Nabo Distorio

Des fictions expérimentales

Filme Som (Filmer le son)

Brésil, 2014
Réalisateur : Cesar Gananian, Alexandre Moura
Durée : 9min
Genre : Fiction expérimentale

Synopsis : Roberto Michelino est un créateur d’instruments de musique qui parcourt la ville, accompagné des sons qu’il produit lui-même.

Filme Som se démarque particulièrement de la programmation Labo, où il a tout à fait sa place. Deux espaces sonores et visuels (un instrument de musique et une route parcourue en voiture) sont filmés en alternance, produisant par association métaphorique une nouvelle image : l’espace urbain, vibratoire, sonore, est envahi par les vibrations et le jeu de l’instrument de musique, dont il acquiert les propriétés… Une expérimentations visuelle et musicale très plaisante.

Cutaway (Écorché)

Canada, 2014
Réalisateur : Kazik Radwanski
Durée : 7min
Genre : Fiction expérimentale

Synopsis : Une tranche de la vie d’un jeune homme qui travaille dans le bâtiment, rencontre des femmes et traverse une épreuve qui le marquera à jamais. Une histoire sur l’incertitude et le deuil, racontée à travers des gros plans sur les mains et les objets.

Cutway, ou ce que racontent les mains. Dans la lignée d’une tradition d’abord littéraire, le réalisateur a choisi de raconter une histoire à partir d’un point de vue exclusif, mais qui exprime le plus d’émotions : celui des mains. Une tranche décisive de l’existence d’un homme (dont nous ignorons jusqu’au visage) nous est contée – ou plutôt montrée – à travers la vie de ses mains. Ce sont les mains d’un ouvrier du bâtiment, qui percent et qui bétonnent, les mains d’un amant, qui déshabille des femmes, les mains d’un futur père, qui choisit des jouets d’enfant dans un magasin…

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