Festival de Cannes 2015 d’une passion l’autre : Mon Roi & Carol

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(© GettyImages / Dominique Charriau WireImage)

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Dans la compétition officielle ce dimanche 17 mai au Festival de Cannes, deux récits de passion fusionnelle racontés avec retenue malgré des bouleversements intenses de cœurs : Mon Roi de Maïwenn et Carol de Todd Haynes, tous deux présents pour la deuxième fois dans la compétition.

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Avec Mon Roi (3,5/5), Maïwenn revient à Cannes comme une évidence après une première sélection qui ne l’était pas autant (Polisse) qui fut d’autant plus une surprise en 2011 que le film fut très bien accueilli par la presse, le jury présidé par Robert De Niro lui remettant son prix spécial. Après le triptyque narcissique (pour reprendre ses propres mots lors de la conférence de presse) Pardonnez-moi / Le Bal des Actrices / Polisse, Maïwenn n’apparaît plus à l’écran mais offre un très beau rôle à celle qui fut l’interprète et la scénariste de Polisse, Emmanuelle Bercot. Après un film d’ouverture de très bonne facture, La Tête haute, elle s’impose comme tête d’affiche multi-tâches du Festival de Cannes 2015 d’abord comme cinéaste donc puis ici en actrice. Elle forme un couple évident avec Vincent Cassel. Ils se séparent, se retrouvent, s’aiment, se détestent, se repoussent, se recherchent et se retrouvent encore avant de se séparer à nouveau… Pas de cinéma social ici mais une belle histoire de «Ni avec toi, ni sans toi» racontée sans excès de drame ou de dramaturgie et sans autre emphase que celle de l’écriture de leur relation idyllique puis orageuse malgré la double temporalité : le présent alors que Tony (Bercot) et Giorgio (Cassel) sont déjà séparés et le passé, de la naissance de leur histoire à ses flux et reflux de sentiments riches en contradictions.

(© GettyImages / Dominique Charriau WireImage)
(© GettyImages / Dominique Charriau WireImage)

 

Ni la femme ni l’homme ne sont exemplaires, autant dans les aspects positifs de leurs caractères que négatifs, ils sont simples de vérité, avec d’autant plus de rigueur que l’humour des personnages et des dialogues (parfois hilarants) allègent la gravité. La scène de la rencontre possède la légèreté et l’évidence du coup de foudre de La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli, dans une fête là encore, filmée avec la même aisance que dans une scène ressemblante dans Polisse. Filmer une scène de fête n’est jamais si aisé, Maïwenn s’en sort une deuxième fois. La mise en scène, presque effacé, est en réalité le plus beau des écrins pour ce duo d’acteurs. Vers la fin, Vincent Cassel, pour son deuxième rôle de roi cette année après Tale of Tales (d’un autre genre) prononce cette belle phrase qui révèle autant sur son personnage que sur lui-même : «Mon père était très élégant». Belle chute, belle pensée plus ou moins indirecte pour l’aérien Jean-Pierre Cassel dont le registre de jeu était si différent de celui de son fils, cette sensible remarque ajoutant l’air de rien une petite dose d’émotion supplémentaire, au-delà du film lui-même.

Belle fin aussi sur le sourire révélateur du personnage d’Emmanuelle Bercot qui s’impose enfin comme actrice après quelques jolis rôles dans La Classe de neige ou Camping Sauvage. Il serait étonnant qu’elle n’inspire pas les meilleurs auteurs désormais. Signalons pour terminer la première apparition de Isild Le Besco dans le cinéma de sa sœur dans un rôle discret et de Louis Garrel (drôlement ludique) dans celui du frère protecteur et attentif de Tony.

(© FDC / Mathilde Petit)
(photos © FDC / Mathilde Petit)

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Après le relatif naturalisme de Maïwenn, voici son opposé absolu, le lyrisme mélodramatique de Carol de Todd Haynes (3/5) qui convoque une nouvelle fois l’esthétique de Douglas Sirk, le sens du cadre du peintre Edward Hopper mais aussi l’univers de Haynes lui-même, évidemment Loin du paradis, dont Carol est comme un cousin germain, même époque, même travail sur les décors et les costumes mais aussi même passion interdite, là entre une femme blanche et un homme noir, ici entre deux femmes. Son dispositif est celui décalage non naturaliste, ses années 50 semblant sortir d’un rêve que l’on aurait fait après la vision d’un film de Douglas Sirk avec ses excès graphiques, ses emportements du cœur que l’on contient, ses emballements de respiration contenue qui ne demande qu’à se libérer et qui se limitent à une main révélatrice posée sur une épaule, d’autant plus sensuelle, qu’elle évoque la première nuit d’amour.

Comme chez Maïwenn, non seulement la scène de la rencontre possède une réelle délicatesse mais la construction est en flash-back avec une résolution finale qui changera notre regard sur le sens de cette introduction, en suivant ici un autre narrateur pour cette séquence. Rappelons l’audace du texte d’origine signé Patricia Highsmith publié en 1952, qui ne ressemble en rien à ses romans policiers. Point d’intrigues meurtrières, il ne s’agit que d’un doux récit d’amour fou sublimé par la vision de ce cinéaste / artiste-peintre, avec par exemple cet agréable effet à l’ancienne de circulation lente dans un embouteillage, comme filmé avec des effets de transparence d’un cinéma lointain. On ne peut que regretter une certaine froideur dans la représentation à l’image de l’amour si viscéral de ces deux femmes qui tombent amoureuses comme une évidence.

Malgré le professionnalisme des actrices (Rooney Mara et Cate Blanchett) et la façon dont Todd Haynes capte le visage des femmes comme le fait David Lynch, moins le duo lesbien de Mulholland Drive que l’apparition de Patricia Arquette avec sa perruque platine dans Lost Highway (sur This Magic Moment repris par Lou Reed), l’émotion ne passe que trop rarement. L’ambiguïté ironique de certains propos (« je sais à peine quel plat choisir ») est peut-être un poil trop appuyé et ne sied pas à l’élégance du projet et à des comportements d’adultes venant d’une autre époque aussi peu réaliste soit-elle.

(© FDC Cyril Duchene)
(© FDC Cyril Duchene)

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