Festival de Cannes 2012 : bilan (1/2)

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Bilan Festival de Cannes 2012

Bilan Festival de Cannes 2012

Remarque liminaire : s’agissant d’un bilan personnel sur le Festival 2012 au travers des 15 films en compétition (15 films sur 22) qu’on a pu voir au cours de 11 journées très chargées, il est difficile de ne pas exprimer, parfois crûment, son propre ressenti. On ne sera donc pas dans la « critique » mais plutôt dans le cri du cœur.

Après un cru 2011 exceptionnel en termes de qualité, toutes sélections confondues, le Festival 2012 pouvait difficilement éviter, en comparaison, un jugement global plutôt négatif. En fait, si ce Festival n’a pas délivré de véritable coup de cœur collectif comme avait pu l’être, l’an dernier, le film argentin Les Acacias, il a quand même offert de nombreux films de grande qualité.

Dimanche 27 mai, le palmarès est expédié en une demi-heure chrono. Comme toujours, un palmarès qui ne manquera pas d’être discuté, contesté, approuvé, rejeté. De toute façon, prenez 10 personnes au hasard, vous aurez 10 palmarès différents. De mon point de vue, même si je suis loin d’être totalement en phase avec les membres du Jury, ce palmarès apparait comme le moins discutable de cers dernières années.

Au moment ou Michael Haneke s’est vu remettre la Palme d’Or pour Amour, je n’ai pu m’empêcher de retourner 24 ans en arrière : dans une salle cannoise était projeté Le septième Continent, le premier film de cinéma du réalisateur autrichien. Salle pleine au début de la projection. Lorsqu’elle s’est terminée, il ne restait qu’un tiers des spectateurs du début : ce film relatant la préparation méthodique d’un suicide collectif chez une famille autrichienne avait donc découragé les deux tiers de la salle, des spectateurs qui sont peut-être étonnés de voir Haneke devenir membre de la confrérie très fermée des « doubles palmes d’or » ! Personnellement, mon admiration pour Haneke est née dans cette salle et ne s’est pas démentie depuis. Lors de la remise de la Palme d’Or, Jean-Louis Trintignant a dit que, pour lui, Haneke était peut-être le plus grand réalisateur vivant : je partage son avis, tout en rajoutant Nuri Bilge Ceylan aux côtés de Haneke. Quant à Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, ils sont exceptionnels et bien accompagnés par une excellente Isabelle Huppert dans un rôle secondaire mais important.

Pourtant, ce n’est pas à Amour que, personnellement, j’aurais remis la Palme d’Or. J’aurais hésité entre 2 films, le danois La chasse et l’ukrainien Dans la brume. Le second, réalisé par Sergei Loznitsa, n’apparait pas au palmarès : dommage car, après My Joy, remarquable premier film déjà oublié au palmarès en 2010, Sergei Loznitsa prouve qu’il fait partie des très grands réalisateurs de notre époque. Un souhait : qu’un jour, comme Ken Loach ou Michael Haneke, son talent soit enfin récompensé même si c’est avec beaucoup de retard. Concernant le premier, réalisé par le danois Thomas Vinterberg, un film très classique mais d’une très grande force, le jury s’est « rattrapé » en décernant le prix d’interprétation masculine à Mads Mikkelsen, un prix qu’il est difficile de contester même si Aniello Arena, la tête d’affiche du film italien Reality le méritait tout autant. Un taulard en prison depuis 1993 et obtenant un Prix d’Interprétation Masculine à Cannes, cela aurait fait jaser ! Cela étant, le film de Matteo Garrone, le réalisateur de Gomorra, n’est pas rentré bredouille puisqu’il s’est vu attribuer le Grand Prix du Jury : il n’est pas interdit de penser que le fait que ce film soit italien, c’est-à-dire de la même nationalité que Nanni Moretti, le Président du Jury, l’a peut-être empêché de passer sur la marche la plus haute, la Palme d’Or. En tout cas, ce film qui stigmatise les méfaits de la télé réalité et qui signe le retour de la grande comédie italienne, à la fois sociale et drôle, m’est apparu comme supérieur à Gomorra, un film que, personnellement, j’ai toujours trouvé surcoté.

Le prix d’interprétation féminine décerné à Cosmina Stratan et Cristina Flutur est loin d’être immérité : pour leur première apparition au cinéma, elles sont absolument convaincantes dans Au-delà des collines du roumain Cristian Mungu, Palme d’Or 2007 avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Ce film, qui a obtenu par ailleurs le Prix du scénario, s’avère très riche et très fort dans sa dernière heure. Malheureusement, les 90 minutes qui précédent sont souvent très pesantes et nuisent à la perception globale qu’on peut avoir du film. On notera que ce film faisait partie de la très longue liste des œuvres de Cannes 2012 tournant autour de la religion, qu’elle soit musulmane, judaïque ou chrétienne. Dans Au-delà des collines, un prêtre orthodoxe pose une question : avez-vous déjà vu une religion qui cherche à faire du mal autour d’elle ? Si l’on excepte le film argentin Elefante Blanco de Pablo Trapero, la réponse des cinéastes est claire et nette : les religions ne cherchent peut-être pas à faire du mal autour d’elle mais elles y arrivent très bien !

Festival de Cannes 2012 : bilan (1/2)

N’ayant pas vu Post Tenebras Lux, de Carlos Reygadas, qui a obtenu le Prix de la Mise en Scène, mais qui a été rejeté de façon quasiment unanime par toute la Croisette et ses environs, on terminera ce palmarès par le Prix du Jury attribué à La Part des Anges de Ken Loach : un film dans lequel le réalisateur britannique donne libre court à son goût pour le mélange entre comédie souvent hilarante et film social. Il est probable que ce film, considéré comme mineur par de nombreux spectateurs, gagnera dans le temps ses galons de film plus important qu’il n’y parait.

Personnellement, je n’ai aucun regret quant à l’absence de certains  films dans le palmarès : Cosmopolis de David Cronenberg est certes bien mis en scène, bien photographié et bien cadré mais la vacuité et la prétention des dialogues, ou plutôt des sentences volontairement absconses assénées par les protagonistes, rendent le film totalement indigeste et mortellement ennuyeux. In Another Country de Hong Sang-Soo est le prototype du film « foutage de gueule » qui plait tant à une certaine critique. Le « j’m’enfoutisme » y est érigé en vertu cardinale, et, tout au long du film, on se demande s’il faut en rire ou en pleurer ! Quant à De rouille et d’os, même si une demi-douzaine de scènes arrivent à le remonter à un niveau honorable, c’est quand même une grosse déception si on le compare à tout ce que Jacques Audiard avait réalisé auparavant.

Restent tous les autres : En plus de Post Tenebras Lux, manquent à l’appel l’égyptien Après la Bataille, l’australien Cogan-La Mort en douce, le français Holy Motors, le coréen L’ivresse de l’argent, le brésilien Sur la Route et l’américain The Paperboy. Parmi ces 6 films, seule l’absence de Holy Motor, le film de Leos Carax, semble chagrinercelles et ceux qui ont vu l’ensemble de la sélection.

Sinon, qu’a-t-on oublié dans le Palmarès ? Des hommes sans loi de l’australien John Hillcoat sur un scénario de Nick Cave, mi-thriller, mi-western, présente la particularité de ne pas avoir les caractéristiques d’un film de compétition cannoise mais, dans la mesure où il était présent, ses qualités auraient pu lui permettre de glaner un petit accessit. En ce qui concerne Like Someone in Love, de l’iranien Abbas Kiarostami, j’avoue sans honte que c’est le premier film de ce réalisateur qui trouve grâce à mes yeux : la réalisation est formellement magnifique et cette relation qui se noue entre ce vieux Professeur d’Université et cette jeune fille à la fois étudiante et call-girl est extrêmement touchante. Vous n’avez encore rien vu de Alain Resnais est un film qui laisse une impression bizarre : la première impression, c’est qu’on est en face de théâtre filmé, la deuxième, c’est que c’est bigrement inventif ! C’est en tout cas largement supérieur à son film précédent, Les herbes Folles. Film d’ouverture pour une fois en compétition, Moonrise Kingdom de Wes Anderson est une comédie très personnelle, très inventive et très sympathique. Autre film américain, Mud est le deuxième film de Jeff Nichols qui avait créé la sensation l’an dernier avec Take Shelter. Mud est réalisé de façon très classique, voire académique, l’histoire n’a rien de bien nouveau mais le film se laisse voir sans ennui ni déplaisir. Quant au film Paradis : amour de l’autrichien Ulrich Seidl, il a le mérite d’être bien documenté et de ne pas être racoleur sur un sujet délicat : le tourisme sexuel pratiqué par des femmes en Afrique.

Si l’on veut parler de la Caméra d’Or, on sort forcément de la liste des films en compétition puisqu’il n’y avait aucun premier film en compétition cette année. On regrettera que cette récompense prestigieuse soit allée à Les Bêtes du Sud sauvage, de l’américain Benh Zeitlin. Certes, ce film est très sympathique et plutôt réussi mais on se demande comment le jury a pu passer à côté du film iranien Une famille Respectable, dont la force du sujet et la qualité de la réalisation le mettent largement au niveau de Une séparation et de Au revoir, les 2 grands films iraniens de 2011. J’irai même jusqu’à dire que Une famille respectable est le film que j’ai préféré parmi les 50 films visionnés durant ce festival 2012.

Parmi la trentaine d’autres films vus par ailleurs, il n’y avait rien de vraiment exceptionnel, même si le français Trois mondes, le chilien No, les mexicains Despues de Lucia (Grand Prix Un Certain regard) et Aqui y Alla (Grand Prix de la Semaine de la Critique), ainsi que les argentins Infancia Clandestina et Elefante Bianco ont tous de grosses qualités et méritent qu’on y revienne rapidement. 5 films latino-américains sur 6 : tout sauf un hasard !

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