Berlinale 2016 : El Rey del Once

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El Rey del Once

Argentine, 2016
Titre original : El Rey del Once
Réalisateur : Daniel Burman
Scénario : Daniel Burman
Acteurs : Alan Sabbagh, Julieta Zylberberg, Usher Barilka
Distribution : –
Durée : 1h21
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : –

Note : 3/5

Présenté en ouverture du Panorama Special au 66ème Festival de Berlin, le nouveau film du réalisateur argentin Daniel Burman est une délicieuse comédie communautaire. Le personnage principal y emprunte un chemin désinvolte vers ses origines, sur lequel sa passivité est sa meilleure arme pour ne pas se laisser submerger trop vite par ses sentiments et ses responsabilités. En même temps, El Rey del Once est imprégné d’une atmosphère typiquement argentine, une sorte d’indignation permanente qui se traduit cependant par un état d’esprit si blasé que tout paraît possible et imaginable. Le maelstrom de petits services qui accapare au fur et à mesure le protagoniste ne finit ainsi pas par l’étouffer, ni par lui conférer la détermination d’affirmer sa propre volonté. Son influence est sensiblement plus sournoise, grâce à la mise en scène de Daniel Burman qui jongle adroitement avec les fils passablement bizarres de l’intrigue.

Synopsis : Installé depuis longtemps à New York, Ariel doit aller à Buenos Aires, sa ville natale, afin de présenter sa fiancée à son père Usher. Il partira d’abord seul, en attendant que sa compagne se libère de ses contraintes de danseuse professionnelle. Avant même de prendre l’avion, Ariel est sollicité par son père afin d’amener des chaussures particulières pour un ami hospitalisé. Une fois sur place, le fils prodigue attendra en vain Usher, qui a trop à faire avec la gestion de son magasin dans le quartier juif de la capitale argentine. Il reçoit par contre régulièrement des coups de fil de sa part, qui envoient Ariel faire des courses plus ou moins importantes. Son principal contact dans l’univers foisonnant de son père est Eva, une jeune femme muette et orthodoxe.

J’aurais un petit service à te demander

Il se passe un tas de choses dans le dixième film de Daniel Burman, un des réalisateurs sud-américains dont la filmographie est plutôt bien représentée sur les écrans français avec six films distribués à ce jour. L’initiative de cet enchaînement imperceptible d’événements anodins ne vient pourtant pas du personnage principal, un homme d’une passivité servile pas vraiment attrayante à première vue. Si le ton du film était plus acerbe, Ariel pourrait même être considéré comme la victime des manipulations finement calibrées de son père, le magnat de la récupération de toutes sortes d’objets dans un quartier populaire de Buenos Aires. Puisqu’il se prête plus ou moins volontairement au jeu, y compris à celui plus lourd de conséquences de l’initiation aux pratiques religieuses, son périple s’apparente davantage à un parcours d’apprentissage de la philosophie de vie altruiste de son père. Rien d’édifiant à cela non plus, en raison de la réticence quasiment innée qu’Ariel affiche en toute circonstance. Il fait ainsi ce qu’on lui demande, mais toujours en tirant un peu la gueule, incapable de se débarrasser complètement de l’impression qu’il a fait ce long voyage pour rien.

En attendant Usher

L’éternelle arlésienne du récit perd en effet en importance, au fil de l’acceptation de la part d’Ariel du rôle de remplaçant de son père que ce dernier avait peut-être prévu pour lui dès le début. Le personnage principal se met certes très tôt en position d’échec, dans sa quête de chaussures velcro qui ne peut se solder que par une déception, vu son caractère pointu et les circonstances stressantes de cette première demande d’une longue série répétitive. Mais il y répond néanmoins présent, en dépit de l’investissement personnel grandissant que son père exige de lui. L’exploit tout à fait remarquable du film consiste à rendre irrésistible cet échange de services à sens unique, pas dans l’optique d’une manipulation malicieuse du spectateur, mais au contraire parce que les étapes successives sont agencées avec une élégance narrative jamais prise en défaut. Dans le rôle du fils bougon, Alan Sabbagh fait preuve de cette même sensibilité à la fois caustique et faussement étonnée face au chemin déjà parcouru, qui caractérise l’ensemble de ce film très plaisant.

Conclusion

Il ne serait pas forcément exagéré de crier au miracle cinématographique avec ce film argentin, formellement très sobre, qui réussit pourtant à nous entraîner dans une histoire doucement machiavélique. Est-ce que le fils récalcitrant y est avant tout le pantin impuissant d’un père à l’aura omniprésente ? Le mystère reste entier ou plutôt, l’enjeu du film ne se trouve pas nécessairement là. Car El Rey del Once est avant tout une variation inspirée sur le thème du retour à la vie d’un homme enseveli sous la routine d’un quotidien prévisible.

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