Critique : Des amis comme les miens

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Des amis comme les miens

Etats-Unis, 1971
Titre original : Such good friends
Réalisateur : Otto Preminger
Scénario : Elaine May et David Shaber, d’après le roman de Lois Gould
Acteurs : Dyan Cannon, James Coco, Jennifer O’Neill, Ken Howard
Distribution : Swashbuckler Films
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : 9 septembre 2015 (Reprise)

Note : 2/5

Les mondanités n’ont jamais été le fort de Otto Preminger. Dans les meilleurs films du réalisateur, c’est au contraire un rapport désillusionné au monde qui se fait jour, comme si le pragmatisme autrichien des origines de Preminger avait en fin de compte eu raison des chimères sorties de la fabrique de rêves hollywoodienne. Hélas, le désarroi se manifeste avant tout chez le spectateur, face à l’un des derniers films de la longue et illustre carrière du cinéaste. Car le vieil artisan se sent visiblement mal à l’aise avec cette histoire sinistre, qui baigne complètement dans l’esprit de la libération sexuelle au début des années 1970. Des amis comme les miens s’imagine en effet sans cesse comme une parabole vivace et astucieuse sur l’éveil des mœurs dans le milieu intellectuel de New York, alors que le résultat final s’apparente davantage à une leçon de morale lourde et laborieuse.

Synopsis : Le directeur artistique et auteur à succès Richard doit subir une opération pour enlever un grain de beauté. L’intervention paraît bénigne et sa femme Julie espère retrouver rapidement son mari après un bref séjour à l’hôpital. Alors que l’opération se passe sans accroc, des complications apparaissent au lendemain. Richard est admis aux soins intensifs et tombe dans le coma. Sur les conseils de son ami médecin Timmy, Julie réunit ses proches et sa famille afin de récolter les dons de sang nécessaires pour assurer à Richard le meilleur traitement possible. Mais même après plusieurs diagnostics différents, l’état du malade ne s’améliore point. Au bout du rouleau, Julie est alors particulièrement mal préparée aux révélations que lui fait Cal, un ami photographe.

Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le sexe

Le penchant de Otto Preminger pour l’opportunisme ne reste plus à prouver. Sa filmographie est parsemée d’œuvres, qui cherchaient à tirer directement profit d’un sujet à la mode, souvent en lien avec la perception de la sexualité par la société américaine. Dans ce sens, la position du réalisateur ne relève point du progressisme, mais plutôt d’une sensibilité à l’égard d’éléments chocs, susceptibles de faire mouche au sein de ses films sinon très sages. Confrontée sur le tard à des bouleversements majeurs dans la représentation et l’expression de la libido américaine, sa mise en scène peine toutefois à rester à la hauteur de cette abolition temporaire des codes puritains. Sans surprise, les séquences les plus maladroites du film sont donc celles où les personnages laissent libre cours à leurs fantasmes érotiques, d’ailleurs d’emblée très bizarres dans le cas du vieil écrivain interprété par Burgess Meredith, qui danse pratiquement à poil avec le personnage principal féminin. D’autres rencontres pénibles suivront. Elles ont certes le vague mérite d’en finir avec l’aura enchantée de la sexualité, colportée pendant des décennies par le cinéma hollywoodien, mais cet élan pour la démocratisation des rapports charnels prend quand même des formes douteuses ici. Tandis que l’impuissance du photographe lors de ses ébats adultères avec Julie peut encore prêter à sourire, la fellation compliquée par un corsage du personnage interprété par James Coco est simplement consternante du début jusqu’à la fin.

C’est si bon de se sentir mal

Autour de ces intermèdes sexuels, l’intrigue à proprement parler n’est nullement plus édifiante. Après une litanie interminable de visites à l’hôpital, elle-même précédée par des fêtes mondaines d’une vacuité difficile à supporte, le récit se penche presque exclusivement sur la révélation de l’infidélité systématique du mourant. Au lieu de tomber des nues, l’épouse trompée s’engage dans un raisonnement psychologique farfelu, qui n’a d’autre finalité que de la rendre encore plus malheureuse, et le spectateur avec elle. Car en dépit des charmes de Dyan Cannon, cette odyssée improbable du cul et du cœur se complaît à se vautrer misérablement dans la noirceur existentielle de ses personnages. Les tentatives timides du scénario signé Elaine May de tirer cette histoire morbide vers la farce se heurtent sans exception au ton pesant de la mise en scène. Cette dernière laisse de surcroît libre cours à une structure narrative basée sur des retours en arrière fort bancals. En somme, il n’y a pas grand-chose à sauver dans cette plongée dans une époque si préoccupée par ses propres maux affectifs, que cette modernité factice des sentiments prenait alors le dessus sur toute considération de qualité filmique universelle.

Conclusion

Dans un microcosme peuplé de salauds plus ou moins impitoyables, le plus grand d’entre eux est peut-être le réalisateur en personne. Qu’est-ce qui a bien pu prendre Otto Preminger, alors à l’âge de la retraite, de s’intéresser à une histoire bien plus adaptée aux jeunes visionnaires du Nouvel Hollywood, comme par exemple Paul Mazursky ? Toujours est-il que son approche de ces scènes de la vie conjugale d’une grande trivialité ne font que confirmer le besoin urgent de passer la main, ou bien de se concentrer sur des histoires moins tributaires d’un style en phase avec le sursaut iconoclaste des années ’70 !

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