Décès de Carrie Fisher, actrice, princesse et fille de reine

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Entrée dans la légende en obtenant le rôle de la princesse Leia Organa dans le premier épisode de Star Wars – LaGuerre des étoiles, Carrie Fisher est décédée ce lundi 26 décembre 2016. Elle n’avait que 60 ans. Elle ne s’est pas relevée de la crise cardiaque qui l’a frappée dans l’avion qui la ramenait ce vendredi à Los Angeles après un séjour en Angleterre, une quinzaine de minutes avant l’atterrissage. Elle y faisait la promotion de son ouvrage autobiographique The Princess Diarist et a tourné plusieurs épisodes de la série Catastrophe.

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Née dans le sérail, elle était la fille du chanteur populaire Eddie Fisher et de l’actrice Debbie Reynolds (nommée à l’Oscar de la meilleure actrice pour La Reine du Colorado) auprès de qui elle débute à Broadway dans la comédie musicale Irene. Quelques mois plus tard, elle débute à l’écran dans Shampoo de Warren Beatty dans lequel elle donne la réplique au grand séducteur avec une assurance certaine. Déjà elle y évoque des relations compliquées avec sa mère… Elle passe ensuite deux auditions au même moment, refuse le rôle-titre de Carrie (!) de Brian de Palma car elle ne voulait pas apparaître nue à l’écran mais obtient celui qui la fait entrer dans l’Histoire du cinéma. Partagée entre l’aventurier Han Solo (Harrison Ford) et l’apprenti Jedi Luke Skywalker (Mark Hamill), elle se fait remarquer pour son caractère impétueux, sa farouche indépendance et ses macarons en guise de coupe de cheveux.

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Elle reprend le rôle dans les deux suites : L’Empire contre-attaque (1980) puis Le Retour du Jedi (1983) dans lequel elle porte l’un des bikinis les plus célèbres de l’Histoire du Cinéma avec celui d’Ursula Andress dans James Bond contre Dr No. C’est avec un enthousiasme non feint que ses fans se sont réjouis de savoir qu’elle allait reprendre ce rôle plus de trente ans plus tard dans Le Réveil de la Force sorti en décembre de l’année dernière. Elle sera présente dans le prochain volet dont le tournage s’est achevé cet été. Elle a également participé à l’honni Au temps de la guerre des étoiles (Star Wars Holiday Special), tourné pour la télévision et renié par George Lucas. Le film, tourné après le premier volet et interprété par les principaux acteurs du film, est aujourd’hui quasiment invisible et n’a survécu que via quelques copies pirates.

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Les années 80 sont généreuses avec elle. Elle enchaîne les rôles, souvent secondaires mais remarqués, en commençant par une apparition musclée dans Les Blues Brothers de John Landis. Elle traque avec des armes lourdes Jake (John Belushi) qui l’a abandonnée à l’autel alors qu’ils devaient se marier, faisant notamment exploser au bazooka l’hôtel minable où il logeait avec son frère Elwood joué par Dan Aykroyd qui était son petit ami à l’époque. Elle dira d’ailleurs à ce sujet qu’elle a couché pour apparaître dans cette comédie culte indémodable. On l’a voit ensuite dans À la recherche de Garbo de Sydney Lumet, L’Homme à la chaussure rouge de Stan Dragoti (un remake du Grand Blond avec une chaussure noire), Hannah et ses sœurs de Woody Allen, le film à sketchs Cheeseburger film sandwich et Rendez-vous avec la mort de Michael Winner (l’une des meilleures adaptations de Hercule Poirot période Peter Ustinov). L’année suivante, elle trouve l’un de ses plus jolis seconds rôles, celle de la meilleure amie de Meg Ryan qui tombe amoureuse du meilleur ami de Billy Crystal dans Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner, interprété par Bruno Kirby, disparu en 2006. La même année, elle est l’épouse de Tom Hanks dans la comédie absurde Les Banlieusards de Joe Dante.

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Ses apparitions à partir des années 90 sont moins enrichissantes. Elle joue dans L’Amour dans de beaux draps de Carl Reiner, Drop Dead Fred d’Ate de Jong, Ma vie est une comédie de Nora Ephron (la scénariste de Quand Harry…) et le premier Austin Powers de Jay Roach. Sa carrière, plombée notamment par ses problèmes de santé (elle était bipolaire) et ses addictions à l’alcool et à la drogue, se réduit alors à des rôles de plus en plus maigres, à la limite du caméo. Dans les années 2000 on la voit dans le remake ratés du classique de George Cukor, The Women et surtout dans le film coup de poing White Lightnin’ de Dominic Murphy. Un drame d’une noirceur profonde où elle interprète son personnage le plus étonnant, celui d’une femme mariée qui a une liaison avec un danseur de claquettes amateur. Une histoire d’amour potentiellement belle, qui semble pouvoir guérir le jeune homme de ses démons mais qui vire au tragique.

À partir de ces années où elle se fait plus rare, elle joue souvent avec son image. Dans Scream 3 de Wes Craven, elle est l’archiviste des studios où se situent l’action, confondue par Courtney Cox et son double à l’écran Parker Posey avec la vraie Carrie Fisher. Dans Jay et Bob contre-attaquent de Kevin Smith, elle est une nonne, dans Charlie’s Angels : Les Anges se déchaînent ! une mère supérieure. Dans Maps to the Stars de David Cronenberg, elle joue son propre rôle, faisant preuve d’une dérision réjouissante et apparaissant avec son chien fétiche, le délicieux Gary… Fisher. Son esprit acéré se retrouvait dans ses interviews souvent émaillées de répliques cinglantes et dans son parcours d’auteur également.

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Elle a écrit le roman semi-autobiographique Postcards from the edge qu’elle adapte elle-même. Réalisé par Mike Nichols, Bons baisers d’Hollywood lui vaudra une nomination aux Baftas dans la catégorie de la meilleure adaptation. Elle y évoque de façon détournée ses rapports avec le monde superficiel d’Hollywood et avec sa mère, Meryl Streep et Shirley MacLaine interprètent des variations très libres d’elle-même et de Debbie Reynolds qui a tenté, sans succès, de jouer le rôle elle-même. Elle a également écrit des épisodes de série télé, un pour Les Aventures du jeune Indiana Jones, un autre pour Roseanne ainsi que le téléfilm These Old Broads qui réunissait Shirley MacLaine, Joan Collins mais surtout Elizabeth Taylor et Debbie Reynolds, la première ayant «piqué» Eddie Fisher à la deuxième ! Elle a souvent admis que le départ de son père avait eu un effet indélébile sur elle. Elle a également participé aux «pools» d’auteurs de plusieurs éditions des Oscars. En 2008, elle écrit un autre ouvrage autobiographique Wishful Drinking qu’elle a interprété sur scène. Récemment, dans le cadre de sa tournée promotionnelle pour son nouveau livre, elle révélait sa liaison torride avec Harrison Ford sur le tournage du premier épisode de la saga de l’espace.

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Son talent d’écrivain lui a permis d’être l’une des «script doctors» les plus reconnus du métier, ces auteurs chargés d’améliorer des scénarios jugés imparfaits, restant de l’ombre, absents des génériques, le réalisateur John Sayles en étant un autre exemple brillant. Elle a commencé cette activité grâce à l’adaptation de son autobiographie et a(urait) ainsi travaillé sur Hook, L’Arme Fatale 3, Sister Act, Last Action Hero, Alerte, My Girl 2, Quand Harriet découpe Charlie ! et La Surprise de Richard Benjamin, La Rivière sauvage, Rendez-vous avec le destin, le remake de Elle et lui avec Warren Beatty, Annette Bening et Katharine Hepburn, Leçons de séduction de Barbra Streisand, The Wedding Singer – Demain, on se marie, Escapade à New-York, Coyote Girls, Kate et Leopold, Intolérable Cruauté ainsi que la trilogie prequel de Star Wars même si tout cela reste, par définition, difficile à préciser. Dans une interview à Newsweek, en 2008, elle expliquait avoir cessé cette activité depuis longtemps. «Je ne l’ai pas fait depuis des années. Des gens plus jeunes sont arrivés et de mon côté, j’ai fait de nouvelles choses. Ce fut une période de ma vie très longue et très lucrative, mais c’est un métier compliqué. Surtout aujourd’hui. Pour être engagé, vous devez désormais soumettre des notes sur vos idées de corrections. Ainsi, ils se retrouvent avec des notes venant de plusieurs auteurs, qu’ils conservent mais ne vous engagent pas. Cela revient à travailler gratuitement et pour moi, c’est vraiment une perte de temps

Elle a par ailleurs fait de nombreuses apparitions sur le petit écran, notamment dans 30 Rock dans l’épisode « Rosemary’s Baby » qui lui vaut une nomination aux Emmy Awards en 2008. Elle y est délicieusement effrayante en idole fatiguée de l’héroïne Liz Lemon (Tina Fey). On la voit dans son propre rôle dans un épisode de Sex and the City ainsi que dans The Big Bang Theory où elle recroise Darth Vador, enfin plus précisément James Earl Jones, sa voix en VO. Il s’agissait, en 2014, de la toute première rencontre entre les deux comédiens ! Elle apparaît encore dans l’un des segments des Histoires fantastiques produites par Steven Spielberg, dans Frasier ainsi que dans Smallville, Weeds et Entourage.

En septembre 2013, elle fut membre du jury du 70e Festival de Venise en 2013, sous la présidence de Bernardo Bertolucci. Sacro GRA de Gianfranco Rosi a remporté le Lion d’or.

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Au mois de mai dernier, Carrie Fisher était présente aux côtés du réalisateur Fisher Stevens pour présenter le documentaire Bright Lights: Starring Carrie Fisher and Debbie Reynolds qui évoque leurs carrières respectives, leur vie actuelle (elles habitaient à quelques mètres l’une de l’autre) et comment la mère a poussé la fille vers cette vie d’artiste. Les échanges sont parfois assez piquants, notamment lorsque la mère réagit sur l’enfance malheureuse de sa fille. On voit Carrie Fisher, âgée d’à peine quinze ans, chanter « Bridge over troubled water » de Simon & Garfunkel, des années avant de devenir l’épouse de son interprète Paul Simon au début des années 80 pendant quelques mois. L’idée du film était d’enregistrer la «retraite» définitive de Debbie Reynolds, son envie de travailler jusqu’au bout, malgré la fatigue et une santé défaillante. Avec le recul de sa disparition (et de celle de sa mère le lendemain), la portée de ce long-métrage désormais crépusculaire est bien différente que lors de sa découverte sur la Croisette. Ce film qui sera diffusé au prochain printemps sur HBO est autant une déclaration d’amour à une mère et à une légende du cinéma qu’un témoignage bouleversant sur la dépression d’une enfant de la balle, bien consciente de ses troubles. Eddie Fisher, disparu en 2010, est également présent à l’écran. Carrie Fisher y expliquait comment, à défaut d’avoir pu être sa fille, elle en est devenue la mère à la fin, lorsqu’il était diminué par l’âge et la maladie.

Elle était la demi-soeur des comédiennes Joely Fisher (la série Ellen avec Ellen de Generes et le film Inspecteur Gadget) et Tricia Leigh Fisher (Le Justicier de Miami avec Burt Reynolds), nées de l’union d’Eddie Fisher avec l’actrice Connie Stevens. Sa fille, Billie Lourd, est apparue dans Le Réveil de la Force et serait également à l’affiche du huitième épisode dans lequel Carrie Fisher devrait avoir un temps de présence plus long que dans le précédent.

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En 2013, elle avait écrit une lettre d’adieu à la Princesse Leia, reprise en intégralité sur le site du journal Le Point :

«Chère princesse Leia,
je ne voudrais pas être présomptueuse en vous appelant Leia tout court, ça impliquerait une familiarité dont je ne souhaite pas présumer. Et bien que certains puissent dire que nous nous ressemblons au point de pouvoir être prises l’une pour l’autre –  si nous nous mettions mystérieusement d’accord pour nous habiller de la même manière banale et que vous refusiez enfin, raisonnablement, de vous soumettre aux rigueurs de cette coiffure tapageuse et absurde –, bref (mais enfin !), je pourrais passer pour vous avec quelques ajustements mineurs et vous pourriez passer pour moi avec des transformations sensiblement plus importantes. Mais est-ce que mon esprit s’accorderait à votre physique ?

J’ai passé près des deux tiers de ma vie à traverser des galaxies dans ces putains de bottes en cuir blanc. J’ai même essayé de répondre de vos actions, d’expliquer les motifs éventuels de choix que l’une de nous n’a pas su faire. Mais alors qu’on se souviendra éternellement de vous flânant dans des paysages infestés d’étoiles, vivant pour toujours dans les imaginations et sur les écrans, je végète bruyamment dans ce tristement célèbre placard des célébrités – à grossir, prendre des rides, me voûter et m’abêtir avec l’âge.

Nous voilà dans notre propre tableau à la Dorian Gray. Vous : douce, sûre de vous et droite dans vos bottes, condamnée pour toujours à la grande et enviable prison de l’aventure intergalactique. Moi : luttant de plus en plus contre le syndrome de stress post-galactique, portant vos cicatrices, grisonnant vos cheveux éternellement noirs et ridicules.

Vous agissez toujours en héroïne ; je la sniffe, dans une piètre tentative d’atténuer l’éclat de votre frénétique cinéma intergalactique. Vous récoltez la gloire ; je cède à la vieillesse. Vous : tellement en forme physiquement et si pétrie de bonnes intentions que cela me rend folle – en tout cas, quelque chose me rend folle. Tandis que vous combattez le côté obscur avec vos manières légères et lumineuses, je suis dans la fosse du Sarlacc, couverte par les sucs organiques infâmes de Jabba.

Cela prendra-t-il fin un jour ? Probablement pas, mais, moi, je prendrai fin. J’en suis assez certaine. Mes suites s’arrêteront fort heureusement enfin, tandis que les vôtres délimiteront et engloutiront une ère. Quoique vous soyez condamnée à rejouer les mêmes sept heures d’aventures sur un laps de temps de maintenant presque quatre décennies chahuteuses, au moins vous avez bonne mine quand vous combattez le mal. J’ai l’air habitée. Mes yeux amusés et envieux animent un visage bouffi et abîmé par l’âge. N’étais-je pas censée rester joyeusement figée dans l’ambre de notre image projetée, repoussant la rétention d’eau, le poids et les rides de la même façon que vous combattiez pour la gloire de… c’était quoi déjà, le but de cette foutue histoire – un univers rayonnant de paix et d’équité, des Ewoks cabriolant dans des champs remplis de force ? N’étais-je pas censée le rester ? Dites, ne l’étais-je pas ?

De nos destinées tout sauf partagées (si elles furent partagées, c’est d’une façon insalubre), quelle qu’ait été ou sera celle de Leia, celle de Carrie sera, au moins périodiquement, dérisoire et décevante, rongée par la commisération, vieille et surexposée, rendue triste et hors de propos en comparaison avec les aventures riches et ininterrompues de son homologue. Joue-le de nouveau, Han ! Leia joue tandis que je continue à payer et payer et payer. Je suis Carrie Fisher de Star Wars – le côté sud de Star Wars, près de l’ancienne maison abandonnée des Vador.

Je pâlis tandis que vous flamboyez. Je me voûte tandis que vous tirez juste et défendez le droit. Oh ! je sais, il y a pire. Ce pire se rassemble dans mon dos et hante mes jours futurs pleins de divertissements. Mais le pire cède au meilleur – Dorian Organa cède à Carrie Gray. Nous gagnons tous à la fin, n’est-ce pas ? Sinon définitivement, au moins pendant un nombre limité de jours sympathiques et inéluctables. Elle est la Leia Organa au centre des meilleurs souvenirs de tant d’êtres humains. Brillant dans la chaude lumière de notre nostalgie de la science-fiction.

Notre Aldérande, envolez-vous avec nous, mais où que vous alliez – au-dessus de la colline ou de cette fichue Cité des nuages, dans le palais de Jabba ou aux urgences, en haut, en bas ou à travers –, faites de votre mieux pour faire ce que je fais : faites en sorte de profiter du voyage. Laissez tomber la coiffure, mais profitez du voyage !

Amitiés, Carrie»

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