Critique : The Revenant

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the revenant afficheThe Revenant

Etats-Unis, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
Scénario : Mark L. Smith, Alejandro González Iñárritu, d’après l’oeuvre de Michael Punke
Acteurs : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter
Distribution : Twentieth Century Fox France
Durée : 2h36
Genre : Drame, western
Date de sortie : 24 février 2016

Note : 3/5

On se souvient d’Alejandro González Iñárritu pour Amours chiennes et pour 21 grammes, pour ce goût du film d’auteur choral aux personnages forts et dont les tourments étaient explorés sans complaisance. Au début des années 2000, nous pensions alors découvrir un cinéaste dont le discours ne cesserait de nous questionner. Vint alors Babel et sa vulgarisation sauvée par un aspect solaire et un dispositif un peu superficiel (l’effet papillon), mais ne manquant pas d’un certain charme – osons – d’une certaine poésie. Depuis l’année dernière et passé un Biutiful plus intéressé par un paratexte misérabiliste que par un texte qui ne disait plus grand chose, nous découvrons un nouvel Iñárritu. Cette nouvelle version de lui-même, c’est celle d’un cinéaste performer, qui n’a pas manqué de séduire le jury des Oscars avec Birdman et son plan-séquence d’1h59 qui fut – entre autres – récompensé des deux plus hautes distinctions de la compétition (meilleur film et meilleur réalisateur). Après une courte année, le mexicain entend bien capitaliser et s’inscrire dans une nouvelle performance avec The Revenant, un survival en solitaire prenant place dans l’Amérique coloniale.

the revenant inarritu di caprio

Synopsis : Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption.

the revenant inarritu lubezki

Une caméra

Ici, la performance est double. Il s’agit d’abord d’une performance de réalisateur, tournant un film visuellement grandiose en ne faisant usage que de décors et de lumières naturelles (auxquels viendront toutefois se greffer quelques discrets effets, à l’exception d’un lens flare plus exagéré et récurrent encore que chez Abrams). Et si Iñárritu, sait mettre ses décors en valeurs – au point, parfois, de trop se regarder filmer – il ne s’avère pas non plus en reste en ce qui concerne les corps. Les mouvements de foule et la multiplication des points de vue dans des espaces organisés de manière efficace et fonctionnelle (des campements, le plus souvent) se montre fluide et organique, presque de manière vidéoludique, au point qu’Assassin’s Creed 3 nous apparaisse en référence visuelle évidente.

the revenant di caprio

Un comédien

De ces corps, celui qui émerge le plus intensément des glaces de l’œuvre est très certainement celui de Leonardo Di Caprio. En quête éternelle d’un oscar du meilleur acteur depuis Titanic, le comédien signe avec The Revenant, le choix le plus évident quant à y parvenir. Dans ce sixième Iñárritu, Di Caprio donne de lui-même. Par l’expressivité plutôt que par le bavardage, il compose une figure iconique d’homme en péril face à sa destinée de mortel. La terre et le froid ornent chacune des émotions par lesquelles il traduit sa détresse, et la partition, si elle pourra parfois sembler surfaite d’un point de vue scénaristique (de son personnage semblant pris de passion pour la viande et le poisson cru qu’il dévore systématiquement auprès d’un feu, à la carcasse d’un cheval qui lui sert de dernier abri), sonne systématiquement juste en terme de jeu.

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Une histoire

Il conviendra alors de s’interroger sur la proposition de cinéma abusivement racoleuse que constitue The Revenant. Film de performer au service des tout puissants Iñárritu et Di Caprio, ce survival en solitaire (genre tellement dans l’air du temps, le plus souvent dans l’espace) en oublie souvent d’exister en tant que démarche tant ces surhommes en vampirisent l’essence pour s’en constituer icônes. Ainsi la trame du film s’avère-t-elle particulièrement fragile, si bien qu’au bout d’une heure, elle n’a plus rien à dire et impose de contempler la pellicule comme nous regarderions, au mieux, une bande démo des deux artistes (tout ce que l’image possède de grandiose et d’organique), au pire, une publicité Shalimar (l’onirisme un peu simplet des rêves du personnage). Ne contenant aucun discours et se contentant de dérouler avec complaisance une intrigue tenant sur un post-it, The Revenant relève alors plus du cinéma régressif (un homme, une caméra) que d’un cinéma de genre tout de même capable d’une plus grande hauteur de vue. A l’instar d’un Gravity fonctionnant stricto sensu sur le même modèle, le dernier long-métrage d’Iñárritu s’avère donc difficilement capable de communiquer au-delà de lui-même. Film Narcisse, plus obsédé par son miroir que par ses spectateurs, il ne séduira en définitive que ceux d’entre eux capable d’un amour aveugle pour un cinéma devenu sujet plutôt qu’art ou média.

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Conclusion

The Revenant est bien le film à la plastique impeccable d’un cinéaste ayant reçu l’Oscar du meilleur réalisateur l’année dernière. Choix intelligent pour Leonardo Di Caprio, l’ex-éphèbe de La plage y mouille la chemise plus que jamais et devrait sans mal décrocher cet Oscar qu’il vise depuis si longtemps. Cela suffit-il à faire du dernier long-métrage d’Iñárritu une œuvre essentielle ? Sans doute pas, tant elle manque de propos, au-delà du simple racolage, et tant ce manque en vient rapidement à l’étouffer. Cependant et à défaut d’une œuvre essentielle, The Revenant constituera une proposition honnête, divertissante et revenant à l’essence -même du cinéma : un comédien, un réalisateur et la volonté, au moins, de mettre en scène une histoire.

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