Critique : Saint Amour

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saint amour afficheSaint Amour

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Scénario : Benoît Delépine, Gustave Kervern
Acteurs : Gérard Depardieu, Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h41
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 2 mars 2016

Note : 4/5

Il est 20h45, le 23 février, et il est temps de partir de chez moi en direction du cinéma l’Utopia (de Bordeaux). Mon meilleur pote m’a offert une place pour aller voir l’avant-première de Saint Amour en présence des réalisateurs. Pour être tout à fait franc, j’avais lu dans le journal gratuit du matin que le nouveau film du duo déjanté de Groland passait en avant-première chez nous, et qu’il parlait de route des vins. Je n’avais aucune information complémentaire. C’est donc sans attente, sans prétention que je vais à cette projection. 1h40 plus tard, je suis épuisé et j’ai chaud. J’ai énormément ri. Et à gorge déployée, pas un simple sourire ou un petit pouffement habituel dans une salle de cinéma. La scène avec Michel Houellebecq, pour ne citer que celle-là, à déclencher une telle vague de rires dans la salle que les dialogues suivants ont été totalement couverts. Je ne pense pas avoir vécu une telle projection depuis Astérix et Obélix mission Cléopâtre. Maintenant venons-en à la critique à proprement parler…

Saint Amour Benoît Poelvoorde Gérard Depardieu

Synopsis : Bruno (Benoît Poelvoorde) est agriculteur de père en fils. Tous les ans il se rend au salon de l’agriculture de Paris accompagné de son père, Jean (Gérard Depardieu) et de son ami Thierry (Gustave Kervern). Pendant que le père est affairé à s’occuper de son taureau de compétition pour la gagner (la compétition), Bruno et Thierry font la route des vins sans sortir du salon, en passant de stand en stand et de bouteilles en bouteilles. Jean, se rendant bien compte que son fils n’a pas son amour de la terre et un sérieux problème avec l’alcool, décide d’emmener son fils faire la «vraie» route des vins de France, en taxi. Ils rencontrent ainsi Mike (Vincent Lacoste), leur chauffeur. Leur épopée sera parsemée de moments déjantés plus délicieux les uns que les autres, avant de finir sur une déclaration d’amour aux relations père-fils et aux paysans (et accessoirement sur un ménage à 4).

Saint Amour Benoît Poelvoorde Gustave Kervern

Le jeu d’acteur

Poelvoorde rayonne. On retrouve le Poelvoorde sans filtre, sans norme de C’est arrivé près de chez vous. Sa justesse de jeu est bluffante. Il est drôle, très drôle même, émouvant, révoltant, pathétique, tout ça dans une seule et même scène. Depardieu est beau. Peu importe les considérations politiques, économiques, privées, Depardieu est un immense acteur. Et quel plaisir de le trouver dans un rôle de paysan naïf mais solide. Il parvient à s’effacer derrière Poelvoorde et à rester à sa place, celui du guide, du patriarche un peu maladroit dans un monde d’homme où l’amour peut parfois être synonyme de faiblesse. Dans l’avant-dernière scène du film, son jeu dépasse le cadre du simple film. Sa déclaration à son fils et à l’agriculture paraissent trop vraies pour être une simple ligne de texte récitée. Vincent Lacoste est l’excellente surprise de ce film. Bien qu’ayant déjà fait quelques belles apparitions cinématographiques (Hippocrate, Camille redouble), il tient ici la dragée haute à Depardieu et Poelvoorde, ce qui n’est pas rien, en étant délicieusement et cyniquement drôle. Son rôle de petit parisien ne tombe jamais dans la caricature, reste toujours attachant.

ph Saint Amour Vincent Lacoste Benoît Poelvoorde Gérard Depardieu

La réalisation

Le duo Benoît Delépine et Gustave Kervern nous propose ici un film magnifique, sans prétention, tout en poésie. Leurs noms ne sont pas les plus connus du cinéma français, cela va sans dire, mais Saint-Amour est tout de même leur 7ème film. Ils nous ont déjà pondu Mammouth (avec Gérard Depardieu déjà) mais ils sont surtout les responsables de Groland. Beaucoup de scènes de Saint-Amour pourraient d’ailleurs faire partie de l’émission d’humour barjo de canal + (notamment celle de l’agent immobilier). Ils dirigent tout de même Depardieu, Poelvoorde et Houellebecq dans le même film, ce qui en dit long sur les capacités d’encaissement des deux bonhommes. Le film est beau, parce que simple, sans plan arty, pompeux, prétentieux. La caméra nous entraîne aux premières loges de ce voyage initiatique, comme un 4ème compère. Malgré son côté quasi-absurde à certains moments, et à la limite du malsain, tout reste empreint d’une poésie très propre aux deux réalisateurs, une poésie brutale et décomplexée, la poésie de la vie tout simplement.

Saint Amour Benoît Poelvoorde Gustave Kervern 2

La musique

Une musique de Sébastien Tellier dans un tel film, ça peut laisser dubitatif de prime abord. Mais quelle virtuosité ! Le thème grandit en même temps que les personnages, s’étoffe au rythme de leur périple. Une musique intéressante prise indépendamment du film, mais qui sert surtout la narration en s’effaçant, en laissant la place à l’image, aux acteurs.

Quelques petites anecdotes de tournage

A la fin de la projection dans cette petite salle d’une centaine de personnes tout au plus, nous avons eu la chance de pouvoir poser des questions aux deux réalisateurs. C’est ainsi que l’on apprend que la scène avec Houellebecq est tournée chez le voisin de Benoît Delépine. Pendant le repérage des lieux, Poelvoorde voit une bouteille de cognac posée sur un meuble. Il se jette dessus et l’avale d’un trait. Scandale ! Cette bouteille n’était autre qu’un cognac de 30 ans d’âge que le maître des lieux avait reçu en guise de cadeau de mariage. Le propriétaire veut annuler le tournage, jeter l’équipe dehors, Poelvoorde s’excuse énergiquement en promettant de racheter en nombre des bouteilles de cognac. Autre anecdote croustillante, avec toujours Monsieur Poelvoorde en guise de protagoniste : la scène des 10 étapes de l’ivresse est effectivement jouée sous l’influence de l’alcool ; et la 10ème et ultime étape a été tournée à son insu, trop soûl qu’il était pour se rendre compte de quoi que ce soit.

Saint Amour Benoît Poelvoorde Gérard Depardieu 2

Conclusion

Saint Amour est un ovni étincelant du cinéma français, un film qui fait du bien et qu’on attendait sans se douter qu’il viendrait de cette équipe fantasmagorique. Un film drôle sans être dans la norme, émouvant sans tomber dans le pathos, poétique sans être prétentieux, intelligent sans être inaccessible. Un incontournable de ce début d’année 2016, dont on se récite les répliques appelées à devenir cultes en sortant du cinéma avec ses potes.

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