Critique : Ready player one

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Ready player one

Etats-Unis, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Steven Spielberg
Scénario : Ernest Cline, Zak Penn, d’après l’oeuvre d’Ernest Cline
Acteurs : Tye Sheridan, Olivia Cooke, Ben Mendelsohn
Distribution : Warner Bros France
Durée : 2h20
Genre : Science-fiction
Date de sortie : 28 mars 2018

Note : 1,5/5

Comme tout le monde le sait, nous vivons une drôle d’époque en général, mais également pour le cinéma. Jusqu’aux années 2000, chaque décennie pouvait se targuer d’avoir eu son identité propre artistiquement, et selon ses préférences, chacun pouvait affirmer haut et fort que telle ou telle décennie était la plus productive, la plus passionnante. Mais depuis le début des années 2000, et encore plus la décennie actuelle, il faut bien reconnaître au cinéma américain, puisque c’est lui qui domine le monde, d’avoir vu son modèle quelque peu dérailler. Certes, il n’a jamais autant battu de records mondiaux, et la main mise du studio Disney, si elle est fortement inquiétante pour les cinéphiles exigeants et la liberté artistique, n’en reste pas moins une valeur sûre que rien ne semble pouvoir arrêter. Mais ce qui domine principalement actuellement, c’est un certain culte pour la nostalgie, principalement de la pop culture des 80’s, qui déborde sur tous les médias. On a beaucoup reproché à Stranger things de se contenter de reproduire les motifs ayant fait la gloire des films Amblin sans chercher à moderniser quoi que ce soit, mais on peut au moins lui reconnaître de créer un univers à partir de ces éléments connus de tous que le public a tant plaisir à retrouver. Dans un tel contexte, on était impatients et particulièrement curieux de voir ce qu’un maître comme Steven Spielberg, pape malgré lui du blockbuster tel qu’il est vu et conçu aujourd’hui, derrière la plupart des films cités aujourd’hui dans ce type d’entreprise nostalgique, allait bien pouvoir tirer d’un matériel de base dont on peut supposer, en voyant le film tel qu’il est, et même sans l’avoir vu, qu’il ne va pas beaucoup plus loin qu’un délire de geek étalant ses références comme un adolescent immature.

Synopsis : 2045. Le monde est au bord du chaos. Les êtres humains se réfugient dans l’OASIS, univers virtuel mis au point par le brillant et excentrique James Halliday. Avant de disparaître, celui-ci a décidé de léguer son immense fortune à quiconque découvrira l’œuf de Pâques numérique qu’il a pris soin de dissimuler dans l’OASIS. L’appât du gain provoque une compétition planétaire. Mais lorsqu’un jeune garçon, Wade Watts, qui n’a pourtant pas le profil d’un héros, décide de participer à la chasse au trésor, il est plongé dans un monde parallèle à la fois mystérieux et inquiétant…

 

Un délire de sale gosse aux moyens illimités

Il était permis d’attendre d’un metteur en scène faisant partie des plus grands de sa génération qu’il propose autre chose qu’un simple blockbuster numérique et bruyant, en livrant une véritable réflexion sur notre rapport au virtuel, et sur le danger potentiel que constitue la réalité virtuelle si on l’utilise de façon démesurée. Seulement il devient très rapidement évident, que le principal souci du cinéaste sera de faire, justement, dans la démesure formelle en accumulant les morceaux de bravoure techniques sans la moindre respiration. On est assez stupéfait lorsqu’on se rend compte que la course qui prenait une partie de la bande annonce et dont on pensait qu’elle constituerait le climax, est en fait placée quasiment dès le début du film. Manière de dire, « ce n’est qu’un début », et de pousser tous les curseurs du « bigger and louder » au maximum. Au début, on s’amuse gentiment et l’on se dit qu’après tout, toute cette folie pop ultra généreuse nous changera des nanars pompeux de Marvel. Mais très rapidement, il y a comme un problème qui se fait sentir. Car on ne peut aujourd’hui se satisfaire d’un gros délire de sale gosse faisant joujou avec ses outils et ses moyens sans limites, sans proposer d’univers un tant soi peu cohérent. Car c’est bel et bien cela le problème, le fait qu’au-delà des loopings de la caméra effectués informatiquement, donc faisant plus office d’esbroufe que de réelle mise en scène, dans le sens humain du terme, aucun univers ne se met jamais en place de façon concrète. On ne voit qu’un énorme bazar régurgitant sans recul des années de pop culture, en ratissant le plus large possible pour contenter tout le monde, sans chercher à tirer profit de ces personnages iconiques. Chucky déboule de nulle part en pleine course poursuite ? Un personnage se contente de gueuler « Bordel, c’est Chucky ! » des fois qu’on n’aurait pas compris, et cela suffira selon ses concepteurs pour contenter le fan de base. Et tout le film est de ce niveau, ne s’élevant jamais au-delà de la simple citation inconséquente.

 

Peu d’eau dans l’Oasis

On aimerait être grisé, de la magie, un esprit visionnaire, il faudra se contenter d’un blockbuster bruyant et débile, abrutissant progressivement le spectateur blasé qui passera dès lors toute la projection à comptabiliser dans son esprit tout ce qui ne va pas dans le film. A commencer par ces personnages totalement transparents, la majorité du film se situant dans l’OASIS, les quelques scènes dans le monde réel étant dès lors totalement inintéressantes, tant la psychologie est bas de plafond. Spielberg tombe dans tous les pièges possibles, la romance sort de nulle part et s’avère d’une niaiserie totale. Tye Sheridan est aussi expressif qu’une vache en train de paître, et tous les autres personnages ne sont que purement fonctionnels, n’apportant pas ce petit supplément d’âme que l’on était en droit d’attendre d’un cinéaste qui nous aura tant apporté à une époque. Seule la très jolie Olivia Cooke réussira à sortir le spectateur de sa torpeur. Tout cela ne serait que pure banalité si le film ne portait pas la signature de Spielberg, mais il faut bien admettre que la pilule est difficile à avaler, et que la désillusion est à peu près totale. Une scène laisse à un moment donné espérer que l’on tient quelque chose de potentiellement passionnant et ludique, mais comme s’il avait peur de sa propre audace dans le cadre d’un blockbuster familial calibré PG-13, il n’en fait quasiment rien.

Conclusion

C’est une impression générale de gâchis qui persiste quelques jours après la projection, d’être passé à côté de ce qui avait tout pour être un chef d’œuvre, un nouveau modèle pour l’entertainment. Visiblement, la motivation principale qui aura présidé à sa conception aura été l’ambition d’un succès monstre, en évitant donc toute trace de discours un peu subversif ou théoriquement passionnant. Ne reste qu’une énorme coquille vide, esthétiquement boursouflée et assez laide, et ne provoquant aucune exaltation, juste un ennui poli qui s’éternise sur 2h20. Quelle tristesse …

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