Critique : Ma’Rosa

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Ma’Rosa

marosa-affichePhilippines : 2016
Titre original : –
Réalisation : Brillante Mendoza
Scénario : Troy Alyson So Espiritu
Acteurs : Jaclyn Jose, Julio Diaz, Felix Roco
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h50
Genre : Drame
Date de sortie : 30 novembre 2016

3/5

Au début des années 80, des réalisateurs comme Lino Brocka et Mike de León ont permis au cinéma philippin de se forger une renommée internationale, plusieurs de leurs films ayant été sélectionnés dans de grands Festivals, en particulier à Cannes. Après une période de déclin, le cinéma philippin compte actuellement deux réalisateurs que les grands Festivals s’arrachent : Lav Diaz et Brillante Mendoza. Si le premier, grand spécialiste des films très longs, n’est apparu qu’une fois à Cannes, ce n’est pas le cas du très prolifique Mendoza, dont de nombreux films ont été retenus dans une des sélections du Festival de Cannes. C’était le cas cette année pour Ma’Rosa, ce qui a permis à Jaclyn Jose, son interprète principale, de se voir décerner un Prix d’interprétation féminine un peu surprenant mais pas totalement immérité.

Synopsis : Ma’Rosa a quatre enfants. Elle tient une petite épicerie dans un quartier pauvre de Manille où tout le monde la connaît et l’apprécie. Pour joindre les deux bouts, elle et son mari Nestor y revendent illégalement des narcotiques. Un jour ils sont arrêtés. Face à des policiers corrompus, les enfants de Rosa feront tout pour racheter la liberté de leurs parents.

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Le bouillonnement de Manille

Dès les premières secondes, Ma’Rosa nous plonge dans le bouillonnement bruyant d’un quartier populaire de Manille, avec ses ruelles et ses échoppes, avec la pluie qui n’arrête pas de tomber. Très vite, on comprend que le film va s’intéresser à une famille, les Reyes. Formée de Ma’ Rosa, une femme d’une quarantaine d’années, de Nestor, son mari, et de quatre enfants, cette famille tient une épicerie dans ce quartier de Manille, une épicerie qui représente une bonne couverture pour vendre, aussi, de la drogue. Jusqu’au jour où la police débarque et embarque la famille. Face à cette police corrompue qui demande de l’argent pour les libérer, les enfants vont se mettre à la recherche des 50 000 pesos exigés. Ma’ Rosa se partage en 3 parties bien distinctes : une introduction d’une vingtaine de minutes, s’apparentant à un documentaire de qualité médiocre, pour présenter la famille et ses trafics ; le passage au commissariat ; la recherche des 50 000 pesos.

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Les contradictions de Mendoza

Du réalisateur philippin Brillante Mendoza, il est illusoire d’attendre un film qui montre des pans de vie s’écoulant comme un long fleuve tranquille. Chez lui, l’intérêt se porte systématiquement sur les bas-fonds de Manille et sur les familles engluées dans les problèmes. Chez lui, la caméra se porte à l’épaule, elle s’agite frénétiquement et la mise au point n’est pas toujours de mise. Chez lui, le fond sonore est toujours assourdissant. En résumé, le cinéma de Brillante Mendoza a pour habitude de porter très loin certains excès du « cinéma-vérité ». Par rapport à ses œuvres précédentes, on peut considérer que Ma’ Rosa est un film calme, tellement la caméra à l’épaule est, cette fois ci, tenue d’une façon que beaucoup, certes, auront du mal à supporter mais qui, pourtant, évite la plupart du temps de donner le tournis aux spectateurs. Comme c’est presque toujours le cas chez ce réalisateur, la peinture qu’il dresse de la vie dans son pays n’est pas très reluisante : une police corrompue, la grande pauvreté d’une partie importante de la population formée de gens qui sont prêts à tout pour arriver à survivre. Malgré la première partie du film qui fait craindre le pire, malgré une image le plus souvent terne, Ma’ Rosa, à mi-chemin entre documentaire et fiction, est un film qui mérite d’être vu, et ce  d’autant plus lorsqu’on suit l’implication de son réalisateur dans la vie politique de son pays, avec son soutien affiché avec force au très controversé Président Dutertre : y a-t-il ou non contradiction entre soutenir un homme qui a organisé des escadrons de la mort et promis de faire tuer par la police des milliers de criminels pour éradiquer les trafics de drogue et réaliser un film qui montre la corruption qui gangrène cette même police et la misère qui conduit des familles entières à se livrer au trafic de drogue, prêtes à tout pour survivre ?

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Le Prix d’interprétation féminine

Déjà présente dans 3 des films précédents de Brillante Mendoza, Jaclyn Jose interprète le rôle de Ma’Rosa, un rôle qui lui a permis d’obtenir le Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2016. Une récompense qui a surpris (d’autant plus que, cette année, exceptionnellement, la compétition était plus relevée chez les femmes que chez les hommes !), mais qui est loin de relever du scandale. On notera que Andi Engeimann, la comédienne qui interprète le rôle de Raquel, une des filles de Ma’Rosa, est la propre fille de Jaclyn Jose.

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Le plus souvent excessif dans sa façon de filmer, Brillante Mendoza livre avec Ma’Rosa un de ses films les plus intéressants. Certes, la première partie du film, qui s’apparente à un documentaire, est à la fois trop longue et irritante par ce désir affiché de filmer « salement », mais, ensuite, le film gagne en intensité et en intérêt avec tout ce qui concerne la corruption de la police et le combat de la famille Reyes pour réunir la somme d’argent demandée par les policiers pour libérer les parents.

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