Critique : Le Petit homme

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Le Petit homme afficheLe Petit homme

Autriche, 2014
Titre original : Macondo
Réalisateur : Sudabeh Mortezai
Scénario : Sudabeh Mortezai
Acteurs : Ramasan Minkailov, Aslan Elbiev, Kheda Gazieva
Distribution : Memento Films Distribution
Durée : 1h38
Genre : Drame
Date de sortie : 25 mars 2015

Note : 3/5

Présenté en compétition au Festival de Berlin en 2014, ce drame se situe dans un camp de réfugiés de la banlieue de Vienne, Macondo, qui donne son titre original au film et que l’on découvre à travers le destin d’un petit garçon devenu malgré lui le chef de sa petite famille.

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Synopsis : Ramasan, 11 ans, est un petit garçon tchétchène réfugié depuis des mois en Autriche avec sa mère et ses deux sœurs. Issa, un ami de son père, s’installe près de chez eux et se rapproche du petit garçon.

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Vivre sans père

Alors que sa mère Aminat semble baisser les bras, fatiguée de sa condition et endeuillée par la mort de son mari, Ramasan est contraint de grandir trop rapidement, lui servant d’interprète auprès des servies sociaux (en prenant soin d’éluder les questions trop intimes) et l’aidant à se maintenir à flot au quotidien dans un pays qui n’est pas le leur. Le pire était à craindre avec un tel sujet mais la réalisatrice Sudabeh Mortezai, venue du documentaire, trouve la juste distance pour éviter autant le mélodrame convenu que le tract politique. Grâce à la force d’interprétation du jeune Ramasan Minkailov, l’identification avec l’enfant se fait rapidement, sans être forcée et l’on comprend son rôle de jeune adulte sans effet exagérément tragique. Sa rencontre avec un ami proche de son père va le contraindre à s’affranchir d’un passé héroïque rêvé et à réfléchir à l’image trop parfaite du martyr. Leur rencontre d’abord amicale va devenir un duel dès que l’enfant se rend compte que sa mère et l’ami de son père se rapprochent, d’autant plus que ce dernier tente de faire comprendre à Ramasan la réalité sur la disparition de son père. La relation affectueuse va devenir houleuse et virer à la pire des trahisons. Dans cet exercice d’apprivoisement, les rapports vont se renverser et permettre au petit garçon de redevenir un enfant de son âge en acquérant une nouvelle maturité. Accepter la vérité de ce survivant lui-même manifestement traumatisé revient à choisir le réel contre le rêve.

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Un sens de l’espace et des relations familiales

La réalisatrice qui a vécu ce même déracinement parvient à transmettre ce qu’elle a ressenti, avec réalisme mais sans excès de naturalisme. Elle s’approprie ce foyer de substitution où vit tant bien que mal cette famille, une mère piégée dans le passé et deux petites sœurs qui font preuve d’une totale insouciance (le portrait n’est guère subtil). La mise en scène fait preuve d’un sens de l’espace plaisant, soulignant comment son jeune protagoniste s’approprie ces lieux de vie sinistres, nous permettant de nous repérer dans les décors qui ont un rôle dans la narration comme un lieu où l’on se cache, se retrouve ou se perd, la forêt / dépotoir permettant à Ramasan et à Issa (Aslan Elbiev dans une prestation qui se veut rassurante et jamais inquiétante) de se découvrir autour d’un canapé prometteur de petits moments fugaces de bonheur paternel ou d’admiration filiale. Sudabeh Mortezai retranscrit avec justesse les petites mesquineries des relations familiales, les passions exacerbées quel que soit son sens des responsabilités, la petitesse des colères trop fortes, du sentiment d’injustice qui vous rend injuste. Le risque de petite délinquance est là mais reste heureusement à la marge, ce glissement dramatique n’étant que rarement pertinent dans le cinéma contemporain. Ici, cet élément sert avant tout d’accélérateur à la rupture nécessaire entre Ramasan et Issa avant l’acceptation compliquée de leur lien paternel et filial par procuration, l’idée d’une liaison entre Issa et la mère de Ramasan étant finalement secondaire.

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Conclusion

Pas une leçon de vie ni de dérive complaisamment noire, Le Petit homme permet sans emphase de découvrir la difficulté de rester un enfant lorsque la violence de la vie vous pousse à grandir bien trop vite. La réalisatrice au style subtil et au sens de la distance délicat signe des débuts prometteurs dans la fiction à découvrir en salles depuis le 25 mars.

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