Critique : La passion d’Augustine

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La passion d’Augustine

la passion d'augustine afficheCanada : 2015
Titre original : –
Réalisatrice : Léa Pool
Scénario : Léa Pool, Marie Vien
Acteurs : Céline Bonnier, Lysandre Ménard, Diane Lavallée
Distribution : KMBO
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie : 30 mars 2016


Note : 4.5/5

Née en Suisse en 1950, à Soglio, Canton des Grisons, Léa Pool a émigré au Canada en 1975. Très vite, elle s’est dirigée vers le cinéma, avec la réalisation d’un court métrage dès 1978, puis celle de Strass Cafe, un moyen métrage en 16 mm, en 1980. Suite logique en 1984 : la réalisation de son premier long métrage, La Femme de l’hôtel. Depuis, Léa Pool a enchaîné les films, des films qui malheureusement, ont rarement eu droit à une sortie hexagonale. Pourquoi malheureusement ? Tout simplement parce que, à la vision de La passion d’Augustine, on se dit que les distributeurs français nous ont probablement privés de quelques heures de pur plaisir cinématographique.

 

Synopsis : Simone Beaulieu, devenue Mère Augustine, dirige un couvent au Québec. Passionnée, résiliente, Mère Augustine consacre son énergie et son talent de musicienne à ses élèves. Lors de l’arrivée de sa nièce Alice, une jeune pianiste prodige, elle la prend sous son aile. L’école est un haut lieu musical qui rafle tous les grands prix de piano de la région. Il y résonne un flot de gammes, d’arpèges, de valses de Chopin et d’Inventions de Bach. Mais lorsque le gouvernement instaure un système d’éducation publique dans les années 60, l’avenir de Mère Augustine et de ses Soeurs est menacé.


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Une passion face aux difficultés

Simone Beaulieu est devenue religieuse à la suite d’un chagrin d’amour. Dans le courant des années 60, sous le nom de Mère Augustine, elle est la mère supérieure d’un petit couvent au bord de la rivière Richelieu, couvent faisant partie de la congrégation du Sacré-cœur. La passion d’Augustine, c’est la musique. Elle-même excellente pianiste, elle a fait de son couvent une école dans laquelle des jeunes filles sont entraînées à devenir de très bonnes musiciennes et, chaque année, ses élèves raflent les prix de piano lors des concours régionaux. Un 20 février, en plein milieu de l’année scolaire, Alice Champagne, une nouvelle élève vient s’inscrire, sa mère, sœur de Mère Augustine, devant partir à l’autre bout du Canada, à Toronto, où, dit-elle, elle vient d’obtenir un poste de répétitrice. Il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir qu’Alice est à la fois une pianiste remarquable et une jeune fille au caractère rebelle. Rien de tel que la vie dans une école religieuse pour afficher un tel caractère, d’autant plus lorsqu’on se frotte régulièrement à une personne comme sœur Lise, une sœur très traditionnelle, conservatrice, qui est entrée au couvent pour se protéger, pour fuir une vie familiale agressive avec un père alcoolique. Tout le contraire de Mère Augustine, une femme moderne, féministe et progressiste : dans son école, les parents riches paient pour les enfants pauvres et elle n’hésite pas à rétorquer à la Générale de sa congrégation qu’elle ne souhaite pas faire de ses élèves des épouses dont la seule fonction soit d’être les bonniches de leurs maris.
Ce caractère bien trempé, Mère Augustine va avoir besoin d’en faire usage car la période est difficile pour les petits couvents comme celui dont elle est responsable. D’un côté, le Québec connaît ce qu’on a appelé la Révolution tranquille, moment important de l’histoire du pays dont un des volets a profondément modifié le système scolaire : jusque là payante et gérée par le clergé, qu’il soit catholique ou protestant, l’éducation voit la création d’un ministère de l’Éducation qui prend en charge ce domaine et de nombreuses écoles religieuses doivent fermer lorsque les enfants des milieux modestes les abandonnent pour rejoindre la gratuité des écoles publiques. Au même moment, l’église catholique vit les conclusions de Vatican 2 avec, au minimum, une conséquence loin d’être anecdotique pour les sœurs du couvent : la perte de leur voile traditionnel au profit d’un costume moins austère. Si on ajoute que la Générale de la congrégation du Sacré-coeur n’aime pas la musique et les dépenses afférentes et, qu’en plus, elle trouve que Mère Augustine est trop sûre d’elle-même et n’est pas assez humble, on voit qu‘il y a matière à combat.

 

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Émouvant (le plus souvent) et drôle

C’est à Marie Vien, une conceptrice et productrice de la télévision canadienne, que l’on doit l’idée originale de La Passion d’Augustine. Ayant passé son enfance et son adolescence comme élève dans une école religieuse et ayant alors pratiqué la musique de façon très intense, elle s’est jurée d’écrire un film proche de ce qu’elle avait vécu à la suite de la mort tragique de sa meilleure amie, auprès de qui elle avait traversé toute cette période. Après trois années consacrées à des recherches sur le monde des couvents, au développement des personnages et à l’écriture d’une première version dialoguée, Marie Vien a pris contact avec Léa Pool et lui a soumis le projet. Il était évident que la réalisatrice, particulièrement concernée par tout ce qui touche à l’émancipation féminine et dont l’œuvre a souvent été qualifiée de « cinéma de femmes», ne pouvait qu’être intéressée par ce sujet qu’on lui proposait. Le travail sur le scénario s’est donc poursuivi à 4 mains. Le résultat qu’on voit sur l’écran est un film dans lequel l’émotion et le drame laissent régulièrement la place à des pointes de drôlerie, un film dont la spiritualité passe beaucoup plus par la musique que par la religiosité. Un film qui montre de façon très fine que le monde des religieuses, loin d’être monolithique, est, au contraire, d’une très grande variété, tant en ce qui concerne les raisons qui les ont poussées à entrer dans les ordres que leur façon de se comporter dans la vie si spéciale qu’elles ont choisie. 

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Distribution impeccable

Si votre premier critère pour choisir d’aller voir un film se situe au niveau des comédien(ne)s et, tout particulièrement, de leur notoriété, dommage pour vous car vous risquez fort de passer à côté de ce film magnifique. En effet, si les comédiennes de La passion d’Augustine sont pour la plupart bien connues au Canada, c’est loin d’être le cas dans notre pays, ne serait-ce que parce que la plupart jouent beaucoup plus au théâtre qu’au cinéma. Même Céline Bonnier, qui interprète le rôle de Mère Augustine et dont la liste des rôles tenus au cinéma et au théâtre est impressionnante, ne tenait que des rôles mineurs dans les films sortis chez nous, ceux où elle était tête d’affiche étant restés dans les tiroirs. Qu’importe ! Céline Bonnier est tout simplement exceptionnelle dans La passion d’Augustine et le reste de la distribution est à l’avenant. Et pourtant, la tâche des comédiennes et de Daniel Jobin, le Directeur de la Photographie, était compliquée par le « costume » porté par les religieuses, tout ce qu’un artiste peut montrer grâce à l’expression corporelle étant rendu difficile par le port du voile. Parmi les interprètes du film, deux ont un statut particulier : Léa Pool avait décidé de montrer Alice, la nièce de Mère Augustine, et sa condisciple Marie-Louise, dans la vérité de leur art. Ce sont deux excellentes pianistes, il fallait, pour interpréter leurs rôles, deux jeunes filles qui soient choisies, avant tout, pour leurs qualités de pianistes. Lauréates de nombreux premiers prix, habituées des salles de concert, Lysandre Ménard (Alice) et Yogane Lacombe (Marie-Louise) n’ont manifestement eu aucun problème pour jouer à l’écran les partitions redoutables qui leur étaient proposées, qu’elles soient de Bach, de Beethoven, de Scarlatti, de Schubert, de Chopin ou de Liszt. L’excellente surprise, c’est qu’elle s’avère également de très bonnes comédiennes ! On notera que ce film, dans lequel la musique joue un rôle de premier plan, doit également beaucoup au travail du compositeur et arrangeur François Dompierre. Quant à la scène de l’abandon du voile par les religieuses, accompagnée par un extrait du Didon et Enée de Purcell poursuivi par le Gloria de Vivaldi, elle représente un des sommets du film, à la fois d’une très grande force et très délicate.


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Conclusion

En matière de cinéma, la facilité consiste, depuis plusieurs années, à partager les films en deux catégories : les films « grand public » d’un côté, les films « pour cinéphiles » de l’autre. Concernant La Passion d’Augustine, bien malin celui ou celle qui arriverait à prouver que ce film fait partie d’une catégorie et pas de l’autre ! En fait, ce film est, simplement, tout à la fois intelligent, drôle, émouvant, passionnant, le montage est parfait, la musique qu’on y entend est de toute beauté, la photographie est magnifique et le jeu des interprètes remarquable de justesse. Il est évident que, malgré toutes ces qualités, certains critiques « pisse-froids » vont trouver le scénario trop prévisible et la réalisation trop académique. Ne les écoutez surtout pas !

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