Critique : La Face cachée de Margo

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Cara Delevingne

La-Face-cachée-de-margo-afficheLa Face cachée de Margo

Etats-Unis, 2015
Titre original : Paper Towns
Réalisateur : Jake Schreier
Scénario : Scott Neustadter, Michael H. Weber, d’après l’oeuvre de John Green
Acteurs : Nat Wolff, Cara Delevingne, Justice Smith
Distribution : Twentieth Century Fox France
Durée : 1h49
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 12 août 2015

Note : 3/5

Le titre original («Paper towns») désigne ces villes pièges crées par des cartographes pour éviter les plagiats de leurs plans préparés pendant des mois voire des années et éhontément récupérés par d’autres. Elles auront une incidence majeure dans le récit, la fugueuse du titre se réfugiant dans un de ces lieux fantômes dans cette nouvelle adaptation d’un roman de John Green révélé, au moins à ceux qui ne sont pas familiers de la littérature dite «jeune adulte», par la sortie de la version cinéma de Nos étoiles contraires l’an dernier.

La Face cachée de Margo 04

Synopsis : Dès que Margo a emménagé de l’autre côté de la rue lorsqu’ils étaient enfants, Quentin est tombé sous le charme. Complices dans un premier temps, ils s’éloignent, séparés par le trop grand sérieux de l’un et la soif intempestive d’aventures de l’autre. Des années plus tard, lorsqu’elle fait une énième fugue après l’avoir invité à partager une nuit de folie pour se venger d’un petit copain déloyal, il se lance à sa recherche à l’aide des indices qu’elle a semées sur son chemin.

La Face cachée de Margo 01 Cara Delevingne Nat Wolff

Un doux rêveur amoureux d’une image

Jake Schreier avait réalisé en 2013 le délicat Robot et Frank avec Frank Langella en ex as de la cambriole atteint de la maladie d’Alzheimer qui se liait d’amitié avec un robot médical. Après ces prometteurs débuts, le risque était grand de le voir s’effacer dans cette adaptation d’un roman du désormais très populaire John Green. Il se montre plutôt fin dans sa façon de conter cette histoire, loin d’avoir les défauts de Nos étoiles contraires certes remarqué mais pour le moins inégal dans lequel on trouvait dans les rôles principaux Shailene Woodley et Ansel Elgort. Ce dernier fait une petite apparition en guise de clin d’oeil et leur partenaire Nat Wolff, l’ami aveugle du couple dans ce film qui a séduit les adolescents du monde entier, incarne ce doux rêveur amoureux d’une image inaccessible qui emplit son imaginaire mais se veut plus complexe. En voulant la retrouver, il va apprendre à découvrir sa réelle personnalité, loin de l’idée préconçue qu’il s’en était faite pendant des années où il se contentait de l’observer de loin, ne participant plus à ses aventures urbaines. Au lieu d’être conforté par sa vision égocentrique de la fuyante, il va apprendre à se connaître, à prêter plus d’attention à ses meilleurs amis qu’il n’écoute pas vraiment et s’ouvrir aux autres. Il entraîne en effet dans son sillon ses copains Radar et Ben et deux jolies camarades recrutées comme par accident. Le voyage qui s’annonçait en solitaire dérivant vers le road-movie entre amis, déjouant la dimension de comédie dramatique romantique attendue, grâce à la symbiose évidente des cinq jeunes comédiens en particulier le rigolo  Austin Abrams et la blonde inattendue elle aussi Halston Sage dont le coup de foudre inattendu est joliment traité.

Austin Abrams, Jaz Sinclair, Halston Sage, Justice Smith et Nat Wolff
Austin Abrams, Jaz Sinclair, Halston Sage, Justice Smith et Nat Wolff

Une adolescente libre qui refuse les étiquettes

En fantôme du récit, Cara Delevingne, pour son premier rôle d’importance, parvient à s’imposer sans emphase mielleuse mais avec une force inattendue qui la place dans les vrais espoirs féminins du cinéma américain contemporain, un exploit d’autant plus à saluer que son temps de présence à l’écran reste étonnamment limité. Son interprétation d’adolescente libre refusant les étiquettes qu’on tente de lui coller et les fantasmes que l’on projette sur elle évite les effusions ou la grandiloquence. Il suffit d’un commentaire sur sa sœur pour faire comprendre à quel point le pauvre Quentin était passé à côté de qui elle est réellement. Cette juste distance dans son jeu lui doit donc beaucoup tout comme aux scénaristes Scott Neustadter et Michael H. Weber à qui l’on doit déjà de jolis portraits féminins dans 500 jours d’automne et surtout The Spectacular Now dans lesquels brillaient respectivement Zooey Deschanel et Shailene Woodley, fières, libres et indépendantes mais sans arrogance. Leurs partenaires Joseph Gordon-Levitt puis Miles Teller trouvaient eux de très beaux rôles, les interprètes masculins dans les comédies romantiques étant rarement aussi bien dépeints, autant dans leurs faiblesses que dans leurs bons côtés, leur sincérité surtout. Après la déception Nos étoiles contraires parfois victime de jugements moraux pénibles sur le personnage d’écrivain reclus (Willem Dafoe) ou de séquences embarrassantes (la scène dans le musée consacré à Anne Frank à Amsterdam…), ils retrouvent cette capacité à croquer avec précision les atermoiements amoureux de jeunes gens (et leurs aspirations sur leur vie présente et/ou future) parfois assommés par leur romantisme et leur maladresse à vivre leur vie personnelle et leurs relations avec les autres.

Cara Delevingne
Cara Delevingne

Conclusion

Le talent de Jake Schreier et de ses scénaristes, aidés par une distribution plutôt attachante, est d’avoir su s’approprier ce récit d’un passage à l’âge adulte, étonnamment pas sirupeux, grâce à des détours inattendus dont ce bien plaisant road-movie qui marque les derniers moments d’innocence du petit groupe de trois garçons et deux filles qui traversent l’Amérique pour une improbable quête romantique. Le happy end attendu est déjoué, sans aller vers une noirceur inutile, éclairant avec tendresse les péripéties de ces sympathiques «jeunes adultes» qui ne nous auront pas fait perdre notre temps, ce qui est déjà énorme.

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