Critique : Il figlio Manuel

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Il figlio Manuel

Italie : 2017
Titre original : Manuel
Réalisation : Dario Albertini
Scénario : Dario Albertini, Simone Ranucci
Interprètes : Andrea Lattanzi, Francesca Antonelli, Giulia Gorietti 
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h37
Genre : Drame
Date de sortie : 7 mars 2018

4/5

Photographe à l’origine, 43 ans au compteur, le romain Dario Albertini est entré par le documentaire dans la réalisation cinématographique. Il figlio Manuel est son premier long métrage de fiction. Il a obtenu 3 prix lors du Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier 2017, dont deux prix majeurs : l’Antigone d’or, décerné par le Jury, et le Prix de la critique.

Synopsis : Manuel vient d’avoir 18 ans. Il est temps pour lui de quitter le foyer pour jeunes dans lequel il a vécu ces dernières années, depuis l’incarcération de sa mère. Mais la liberté retrouvée a un goût amer. Errant dans les rues de son quartier en banlieue de Rome, Manuel tente devenir un adulte responsable. Pour que sa mère obtienne l’assignation à résidence, il doit prouver aux autorités qu’il peut veiller sur sa elle. Manuel pourra-t-il aider sa mère à retrouver sa liberté sans perdre la sienne ?

De la difficulté d’être libre !

Un peu comme les informations de la presse qui, dit on, préfèrent mettre l’accent sur les trains qui arrivent en retard plutôt que sur ceux qui arrivent à l’heure, le cinéma s’intéresse beaucoup plus souvent aux grands adolescent.e.s qui s’opposent systématiquement aux adultes, qui ne cessent de ruer dans les brancards, plutôt qu’à celles et ceux qui, quelle qu’en soit la raison, s’efforcent de suivre tant bien que mal le chemin que d’autres ont tracé pour eux. Il est vrai que, a priori, cinématographiquement parlant, il y a plus de grain à moudre dans n’importe quelle forme de rébellion que dans le côté forcément passif d’une forme d’obéissance. Il faut toutefois ce méfier des « a priori » ! C’est ce que démontre Il figlio Manuel.

Arrivé à l’âge de 18 ans, Manuel doit quitter le centre éducatif dans lequel il avait été placé quand, lui étant mineur, sa mère avait été incarcérée : en Italie, l’aide économique permettant à des jeunes de rester dans de telles institutions s’arrête lorsqu’ils atteignent leur majorité. Cette mère, il ne cessait d’y penser durant son séjour dans l’institution et il avait en tête de faire coïncider dans le temps leur retour à la liberté, à elle et à lui. Pour cela, pour que sa mère puisse être assignée à résidence, en liberté surveillée auprès de lui, il doit arriver à prouver, à sa sortie de l’institution, qu’il est apte à s’en porter garant. Il faut donc convaincre la justice, personnalisée par la visite d’une assistante sociale dans la maison familiale que Manuel a parfaitement rangée et nettoyée. Mais vivre réellement sa liberté peut s’avérer plus difficile que de la vivre dans ses rêves, le moindre faux pas peut faire capoter les espérance et il y a des tentations qui peuvent se présenter et qui sont susceptibles de modifier vos objectifs. C’est ce que nous montre Dario Albertini au travers des rencontres faites par Manuel à sa sortie de l’institution.

Un questionnement presque permanent chez le spectateur

Avec l’histoire de Manuel, Dario Albertini prouve qu’on peut réaliser un film passionnant centré sur un grand adolescent arrivant à l’âge adulte avec un comportement que l’on pourra qualifier, selon sa philosophie personnelle, de raisonnable ou de timoré. Film passionnant car les scénaristes ont fait en sorte que la vie de Manuel ne soit pas un long fleuve tranquille à sa sortie de l’institution : entre cette sortie et le rêve qu’il a en tête, on sent que Manuel est balloté au gré de ses rencontres, dont celle d’un ancien ami venu le visiter pour lui proposer un poste important en Croatie et dont tout laisse à penser qu’il n’est pas très « clean ». Pour le spectateur cela se traduit par un questionnement presque permanent : que va-t-il finalement décider, va-t-il réussir à aller au bout de ce qu’il avait en tête ? Dans ce contexte et sans rien « divulgâcher », on conseillera aux spectateurs de bien regarder la destination d’un autocar pris par Manuel vers la toute fin du film : l’image est fugace, mais, si ce détail vous échappe (et c’est le cas chez une bonne moitié des spectateurs non prévenus), c’est le sens profond du film qui, également, vous aura échappé !

 

Un interprète totalement impliqué dans son rôle

C’est avec beaucoup de délicatesse que Dario Albertini mène son film et ce, même dans des scènes que d’autres n’auraient pas hésité à plonger dans le sordide. On retient l’intelligence de ses plans séquences ainsi que l’utilisation toujours judicieuse d’un certain nombre d’ellipses et de  non-dits. Quant à très belle lumière qui illumine le film, on la doit au Directeur de la photographie Giuseppe Maio qui, comme le réalisateur, est passé par l’école du documentaire.

Autre grande satisfaction du film : Andrea Lattanzi, l’interprète de Manuel. Certes, à 24 ans, il fait un peu trop vieux pour le rôle mais, par contre, on sent tout du long la complète implication dans son personnage chez ce comédien qui, jusque là, n’avait joué que dans un court-métrage. A noter que le réalisateur lui avait raconté l’histoire mais sans jamais lui faire lire le scénario. En revanche, Dario Albertini a réussi à le faire vivre incognito,  pendant un mois, dans La Repubblica dei ragazzi, l’institution qui lui a servi de modèle et dans laquelle il avait tourné un documentaire.

Conclusion

Même si cela fait des années que le cinéma italien est considéré par certains comme étant en état de mort clinique, il ne se passe pas une année sans qu’apparaisse au minimum un nouveau réalisateur prometteur originaire de ce pays qui nous est si proche. Au tour, cette fois-ci, de Dario Albertini. Il vient du monde du documentaire et on n’est donc pas surpris de trouver chez lui des affinités avec le néoréalisme italien, un néoréalisme toutefois modernisé par son croisement avec le cinéma des frères Dardenne et celui de Ken Loach.

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