Critique : Chouans !

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Chouans !

France, 1988
Titre original : –
Réalisateur : Philippe De Broca
Scénario : Daniel Boulanger, Philippe De Broca et Jérôme Tonnerre
Acteurs : Philippe Noiret, Lambert Wilson, Sophie Marceau, Stéphane Freiss
Distribution : UGC Distribution
Durée : 2h27
Genre : Drame historique
Date de sortie : 23 mars 1988

Note : 2,5/5

En 1989, le bicentenaire de la Révolution française a été un événement d’une telle importance nationale que tous les champs de la vie culturelle concourraient alors pour le célébrer. Le cinéma n’a pas été en reste, puisque de nombreux films traitaient de près ou de loin de cette époque. Dans cette vague d’épopées historiques, qui exprimait surtout un élan de fierté nationale que l’on cherche depuis en vain sur nos écrans, la fresque de Philippe De Broca sur les revirements successifs en Bretagne avait certes pris un peu d’avance sur la date clef, mais sans qu’un film particulièrement marquant n’en résulte. Le principal souci de Chouans ! n’est pas son éventuelle médiocrité, de laquelle le ton enjoué propre au vieux maître de la comédie française le sauve à plusieurs reprises, mais le caractère disparate des éléments qui le composent. Entre le contexte historique traité sérieusement et la passion plus frivole du comte pour son activité d’inventeur de machines volantes, le triangle amoureux assez tortueux maintient un lien trop ténu pour combler les aspirations d’envergure sans doute à l’origine de cette production de Ariel Zeïtoun.

Synopsis : En 1769, la femme du comte Savinien De Kerfadec meurt en accouchant de leur fils Aurèle. Parti en ville chercher le médecin alors que son épouse agonise, l’aristocrate y trouve sur les marches de l’église un bébé abandonné, une fille à laquelle il donnera le nom de Céline et qu’il élèvera aux côtés de son propre fils comme si elle était son enfant. Quelques années plus tard, il recueille sur la route le jeune Tarquin, un élève de l’école catholique qui a perdu la foi. Lui aussi, le comte le considérera comme son fils. Les trois enfants grandiront dans une parfaite harmonie jusqu’à ce que la prise de la Bastille changera la donne de fond en comble. Tandis qu’Aurèle tente sa chance en Amérique, Tarquin monte à Paris où il deviendra une figure importante du nouvel ordre politique. Céline les attendra tous les deux auprès de leur père, qui perfectionne son invention d’un engin volant.

On n’est pas bien à trois ?

Une femme tiraillée entre deux hommes, voire deux propositions de vie mutuellement exclusives : les plus grands romans romantiques s’appuient sans gêne sur cette prémisse à l’eau de rose. Ici, elle ne fonctionne que moyennement, soit parce que le scénario a tendance à trop encadrer ce dilemme amoureux par les circonstances historiques qui le malmènent, soit en raison de la force de séduction très relative qui en émane. Les trois comédiens qui interprètent les extrémités de ce triangle problématique, Sophie Marceau, Lambert Wilson et Stéphane Freiss, ont depuis su façonner des carrières dans l’ensemble plus que respectables. Seul le parcours du dernier, César du Meilleur espoir masculin pour le rôle d’Aurèle, reste un peu en retrait par rapport au prestige des deux autres, tout récemment mis sous les feux des projecteurs au dernier festival de Cannes, respectivement en tant que membre du jury et maître de cérémonie. Néanmoins, leur fougue de jeunesse n’est guère transmise au récit, au sein duquel il paraissent presque comme des pantins, incapables d’agir par leur propre volonté et soumis à leur statut social qui ne leur portera pas forcément chance. Ce n’est que le personnage central et le lien attachant entre eux, qui saura conférer une sorte de vigueur et une bonhomie indéniable au spectacle.

Philippe Noiret dans son élément

Chouans ! n’est pas le meilleur film de Philippe Noiret, loin s’en faut. Le rôle du comte Savinien De Kerfadec est par contre taillé sur mesure pour cet acteur populaire. Tandis que Jean-Pierre Cassel et Charlotte De Turckheim s’adonnent à un cabotinage outrancier dans leurs emplois de chefs de file réactionnaires, Noiret crée naturellement un centre de gravité rassurant autour duquel l’agitation ambiante se déchaîne. Son personnage ne fait pas étalage de sa sagesse, mais il sait pertinemment s’insurger contre les nombreuses injustices de cette période révolutionnaire quand les circonstances s’y prêtent. Un père de substitution exemplaire, il laisse pourtant à sa progéniture disparate la liberté de choisir son chemin, tout en s’amusant de son côté avec la bonne. Celle-ci ne remplacera jamais sa femme défunte, mais elle le ramènera sur terre après ses acrobaties visionnaires dans les airs. En somme, il s’agit d’un homme qui se trouve à l’antipode de l’instabilité politique qui faisait alors des ravages. Et si Philippe De Broca l’avait mis encore un peu plus visiblement au centre de son film, peut-être ce dernier aurait-il pu remporter davantage notre adhésion, grâce à son regard détaché sur une époque alternativement célébrée et vilipendée, au lieu de partir dans tous les sens sans jamais savoir exactement quel aspect de l’intrigue traiter sur le ton de la comédie ou sur celui du drame historique …

Conclusion

Face à cette aventure rocambolesque sur la Révolution française en terre bretonne, nous sommes restés un peu sur notre faim. Ses ingrédients ne sont certes pas sans mérite, mais dans leur agencement, il manque cette petite étincelle de bravoure formelle et d’énergie entraînante qui distingue les meilleurs films de son réalisateur.

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