César 2018: le palmarès

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(© Laurelenn Jacquet - ENS Louis Lumière pour l'Académie des César 2018)
(© Laurelenn Jacquet – ENS Louis Lumière pour l’Académie des César 2018)

Étrange édition que cette 43ème cérémonie qui a affiché un des plus beaux palmarès de ces dernières années. Étrange car plombé par une direction à la ramasse, un Alain Terzian qui cède aux pleurs de son ami Danyboon (il a produit Le code a changé de Danièle Thompson) en créant un bien regrettable César des entrées créé sur mesure pour lui donner un trophée pour… Raid dingue ! Un point d’exclamation qui est inclus dans le titre, mais qui indique aussi la place de mes yeux dans mes orbites. «Le public ne comprenait pas pourquoi la comédie n’était pas représentée». Euh non, gars, le public, il s’en cogne. C’est juste toi, en fait, assume. Je te tutoie, pardon, mais bon, tu as un César remis par un poto et là, pour une fois, ça se voit. Donc, moi pas content.

120 battements par minute de Robin Campillo a remporté six trophées mérités : film, scénario original, acteur dans un second rôle (Antoine Reinartz), montage, musique et espoir masculin pour Nahuel Perez Biscayart dont c’est l’année car il est également l’un des principaux interprètes d’Au revoir là-haut qui a reçu cinq prix dont celui du meilleur réalisateur pour Albert Dupontel. On ignore et ignorera s’il fut le premier choix des votants ou s’il est arrivé derrière Robin Campillo. The César work in mysterious ways. S’il avait remporté cet autre César, Campillo aurait égalé le record de Guillaume Gallienne qui a été autorisé à recevoir quatre prix lors d’une même soirée, pour Les Garçons et Guillaume, à table ! (film, premier film, acteur, adaptation). Il rejoint tout de même le groupe sélectif composé par Mathieu Kassovitz (La Haine), Nicolas Philibert (Être et avoir) et Xavier Dolan (Juste la fin du monde) tous récompensés avant lui pour le montage de leur propre film. Campillo a réussi lui à être nommé pour le film d’un autre, Entre les murs de Laurent Cantet, qui lui avait permis de remporter celui de l’adaptation.

Ces deux films ont le mérite d’être portés par une belle envie de cinéma, un cinéma exigeant, évocateur d’un combat politique pour le premier, un goût du romanesque pour le deuxième, devenu rare dans le cinéma français, avec des résultats qualitatifs du moins. Parmi les films cités, les votants n’ont pas oublié le très beau Barbara, avec le césar du son (normal pour un film musical, ça arrive tout le temps mais c’est mérité cette fois) et enfin un premier trophée pour Jeanne Balibar (meilleure actrice) qui a eu cette belle phrase pour évoquer sa relation avec Mathieu Amalric (son ex compagnon mais avec lequel elle travaille toujours) et son intégrité artistique, le remerciant «d’être celui qui toujours ose dire qui il est […], de faire un film de barge, de ne pas suivre un cahier des charges, c’est-à-dire de faire du cinéma» ainsi que sa générosité : «Je suis contente, car toi l’homme aux 427 000 César et aux 98 milliards de nominations, je soupçonne, tel que je te connais, qu’aucun ne te fait plus plaisir que ceux que les autres obtiennent par ton entremise».

Jeanne Balibar (AFP / Philippe Lopez)

Cannes fut une nouvelle fois le grand vainqueur de la soirée avec les trophées attribués aux films de la sélection officielle (120 battements par minute et Faute d’amour en compétition et Barbara à Un Certain Regard) et de la Semaine de la Critique (Petit paysan). Quelques vraies surprises ont émaillé la soirée, les victoires pour Antoine Reinartz en second rôle (il fut écarté de la sélection des espoirs, comme Deborah Lukumuena pour Divines l’an dernier, ce qui leur a plutôt réussi !), Camelia Jordana en espoir (elle succède entre autres à une autre chanteuse découverte à la télé, Louane pour La Famille Bélier en 2015), I am Not Your Negro, extraordinaire œuvre sur les textes et les combats de James Baldwin pour les droits civiques, en documentaire et enfin Faute d’amour en film étranger, préféré notamment à Le Caire confidentiel de Traik Saleh, Dunkerque de Christopher Nolan, La La land de Damien Chazelle et The Square de Ruben Ostlund. Il s’agit du premier film russe honoré dans cette catégorie.

Swann Arlaud (AFP / Philippe Lopez)

L’autre grand vainqueur de la soirée fut le captivant et étrange Petit paysan qui a permis à Hubert Charuel de remporter les César du premier film et à ses interprètes Swann Arlaud et Sara Giraudeau de recevoir respectivement les César du meilleur acteur et de la meilleure actrice dans un second rôle. Drôle de hasard, la fille de Bernard Giraudeau et Annie Duperey a reçu son prix des mains de Laura Smet, la fille de Johnny Hallyday et Nathalie Baye. Avant elle, d’autres «fils ou filles de» ont été honorés. Ce n’est pas un reproche, juste un constat sur un milieu où les héritages sont plus visibles. Parmi ceux dont les parents se sont illustrés avant eux avec succès dans un domaine artistique, citons Charlotte Gainsbourg, Mathilda May (fille de l’auteur Victor Haïm), Romane Bohringer, Emma de Caunes, Guillaume et Julie Depardieu, Izïa Higelin, Mathieu Kassovitz (fils du réalisateur Peter), Robinson Stévenin, Louis Garrel, Malik Zidi (rien à voir avec Claude, c’est pour la blague), Niels Schneider (rien à voir avec Romy, c’est pour la blague), Emmanuelle Béart, Manuel et Dominique Blanc (rien à voir avec Michel, c’est pour la blague), Emmanuelle Devos (rien à voir avec Raymond, ok, j’arrête), Claude Brasseur, Clovis Cornillac (fils de Myriam Boyer), James Thierrée (petit-fils de Chaplin), Vincent Cassel, Marina Hands (fille de Ludmila Mikaël) et j’en oublie certainement…

Pas trop de déception pour l’absence de prix au Sens de la fête (ses chances les plus sérieuses : scénario et acteur et les lauréats sont un peu plus satisfaisants, pour le moins), un peu plus pour Grave de Julia Ducournau qui aurait peut-être pu glaner au moins le César de la musique pour Jim Williams, le compositeur de Ben Wheatley. Le Redoutable a également manqué de chance, notamment en décors et acteur. Ce sera pour une prochaine fois pour Louis Garrel, nouvel habitué des nominations, trois en quatre ans, mais première en meilleur acteur. Les votants ont arrêté de boire après leurs votes pour les nominations et donné zéro prix (ouf) pour La Promesse de l’aube, massacre du roman de Romain Gary cité quatre fois. On a eu peur pour le César de l’adaptation…

Penelope Cruz a reçu un César d’honneur des mains de son réalisateur fétiche Pedro Almodovar (une présence saluée par l’équipe de 120 BPM, Grand Prix du jury de Cannes dont il était le président) alors que des hommages à diverses personnalités ont émaillé la soirée, notamment à Jeanne Moreau, Claude Rich, Danielle Darrieux ou Jean Rochefort qui ont reçu ce même trophée honorifique qui n’a pas été remis par contre à Mireille Darc. Rappelons que le dernier lauréat français est Marlène Jobert en 2007 (on ne compte pas le deuxième, ridicule, obtenu en 2008 par Jeanne Moreau), que le dernier technicien honoré pour l’ensemble de sa carrière est l’ingénieur du son Jean Nény en 1982 (à titre posthume !!), le dernier musicien Maurice Jarre en 1986, le dernier octogénaire ou plus Micheline Presle en 2004, le dernier asiatique et asiatique, euh… bah il n’y en a jamais eu. Rappelons une nouvelle fois les malheureux non élus qui n’ont pas su trouver l’oreille d’Alain Terzian et de son comité secret, celui qui décide, au pif semble-t-il, de ces lauréats qui doivent leur montée sur scène à leur notoriété plus qu’à leur talent, qui est pourtant réel pour les récipiendaires de ces dix dernières années, là n’étant pas la question…

(AFP / Philippe Lopez)

Donc parmi les grands oubliés de la mémoire de l’Académie des Arts et techniques du cinéma (ceux encore vivants of course) : Suzy Delair, Leslie Caron, Claudia Cardinale, Olivia de Havilland, Anna Karina, Sami Frey, Michel Piccoli, Edith Scob, Barbet Schroeder (un César du documentaire), Philippe Garrel, Françoise Fabian, Marina Vlady, Françoise Arnoul, Nelly Kaplan, Claude Lelouch, Jacqueline Bisset, Roger Carel, Yves Boisset, Geneviève Page, Jean-Pierre Kalfon, Claire Denis, Paulo Branco, Jean-Pierre Mocky, Souleymane Cissé, Hanna Schygulla, Benoît Jacquot, Jacques Doillon, Gina Lollobrigida, Lou Castel, Robert Guédiguian, Bruno Ganz, Paul Vecchiali, Luc Moullet, Michel Ocelot, Alexandra Stewart, Macha Méril, Michèle Moretti, la troupe du Splendid, le cascadeur équestre Mario Luraschi, le cascadeur voitures Rémy Julienne, Jean-Claude Carrière (un seul César), un compositeur (Philippe Sarde, une seule fois aussi), le monteur Henri Lanoë, Gilles Jacob et d’autres passeurs tels que Freddy Buache, Pierre Rissient ou Jean-Claude Romer. La liste pourrait aisément être allongée, mais je ne rajoute pas des noms d’artistes asiatiques, africains, du Moyen-Orient ou d’Amérique latine, ne leur faisons pas peur…

On précisera enfin que cette cérémonie gagnerait énormément à cesser de faire remettre par des artistes en solo ou en duo aux interventions plus ou moins pertinentes (Lambert Wilson, tsss…) et à trouver une nouvelle formule qui cesserait de diluer une cérémonie bien trop longue et souvent riche en moments de gêne. Un peu plus de solennité serait bienvenue. Ça n’empêche pas l’humour mais asséné à doses plus limitées, elles seraient moins étouffantes et/ou embarrassantes.

Antoine Reinartz (AFP / Philippe Lopez)

Le palmarès complet

Meilleur film : 120 battements par minute de Robin Campillo, produit par Hugues Charbonneau et Marie-Ange Luciani

Meilleur film étranger : Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev (Russie)

Meilleur réalisateur : Albert Dupontel – Au revoir là-haut

Meilleur acteur : Swann Arlaud – Petit paysan

Meilleure actrice : Jeanne Balibar – Barbara

Meilleur acteur dans un second rôle : Antoine Reinartz – 120 battements par minute

Meilleure actrice dans un second rôle : Sara Giraudeau – Petit Paysan

Meilleur scénario original : Robin Campillo et Philippe Mangeot – 120 battements par minute

Meilleure adaptation : Albert Dupontel et Pierre Lemaître – Au revoir là-haut

Meilleur film documentaire : I am not your negro de Raoul Peck, produit par Rémi Grellety et Raoul Peck

Meilleur premier film : Petit paysan de Hubert Charuel, produit par Stéphanie Bermann et Alexis Dulguerian

Meilleur espoir masculin : Nahuel Perez Biscayart – 120 battements par minute

Meilleur espoir féminin : Camélia Jordana – Le Brio

Meilleure musique : Arnaud Rebotini – 120 battements par minutes

Meilleure photographie : Vincent Mathias – Au revoir là-haut

Meilleur montage : Robin Campillo – 120 battements par minute

Meilleurs décors : Pierre Quefféléan – Au revoir là-haut

Meilleurs costumes : Mimi Lempicka – Au revoir là-haut

Meilleur son : Olivier Mauvezin, Nicolas Moreau et Stéphane Thiébaut – Barbara

Meilleur court métrage : Les Bigorneaux de Alice Vial, produit par Jonathan Hazan

Meilleur film d’animation

Longs métrages : Le Grand méchant renard et autres contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert, produit par Damien Brunner et Didier Brunner

Courts métrages : Pépé le Morse de Lucrèce Andreae, produit par Jérôme Barthélemy et Daniel Sauvage

César d’honneur : Penelope Cruz

César du public : Raid dingue ! de Danyboon

Nahuel Perez Biscayart (AFP / Philippe Lopez)
Camélia Jordana (AFP / Philippe Lopez)

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