Carnet de festival: PIFFF 2015 Jour 2

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PIFFF 2015 BANDEAU

Le PIFFF 2015 rentre dans sa vitesse de croisière et nous débutons les projections du jour avec Some kind of hate. Déclinaison fantastique du slasher, le premier film de Adam Egypt Mortimer aborde un sujet sociétal aussi grave que difficile lié à l’adolescence: le harcèlement dans le cadre scolaire. Lincoln, un élève introverti, est envoyé dans un camp de redressement après s’être violemment défendu face à une brute de son lycée. De nouveau souffre-douleurs dans cet établissement perdu au milieu de nulle part, il va se retrouver sous l’aile vengeresse d’un spectre sadique. Le cinéaste débutant s’attaque à la lourde tâche de mener de front dans un même élan comment traiter le mal-être adolescent et les codes du genre horrifique. Bien qu’il caractérise soigneusement ses jeunes personnages, il raconte de manière parfois trop didactique leurs douloureuses expériences et les protagonistes secondaires manquent cruellement de corps et d’esprit. On peut concevoir que l’absence des adultes apparaît comme une volonté de montrer ces jeunes livrés à eux mêmes, or l’implication des responsables du camps est trop importante dans l’intrigue pour être tant négligée au final. La réussite du film réside essentiellement dans le traitement de son croquemitaine, cette jeune femme suicidée par ses bourreaux qui se venge en faisant partager les douleurs qu’elle s’inflige, se scarifiant la peau avec des lames de rasoir. Bien plus réussi dans sa partie horrifique, Some Kind Of Hate est trop hésitant et maladroit dans sa dimension intime et sociologique. N’en demeure pas moins un film efficace et pas déplaisant.

On grimpe d’un cran ensuite avec Incidents de parcours de George Romero, titre qui a inspiré un merveilleux calembour à nôtre hôte Cyril Despontin. Considéré comme le dernier grand film du père de Zombie, cette histoire mettant en scène un tétraplégique qui se voit attribué un singe capucin comme aide à domicile, fut aussi une lutte de tous les instants pour son auteur afin d’arriver à un résultat satisfaisant. En dépit des nombreuses frictions avec les exécutifs du studio, Romero accouche ici de l’une des œuvres les plus riches et complexes de sa filmographie, et signe certainement sa réalisation la plus aboutie sur le plan formel. On ne dira jamais assez combien il est difficile de diriger un animal sur un plateau, et cette guenon capucin mériterait largement un oscar ! Brillamment écrit, le film rentre d’un coup dans le vif du sujet et développe minutieusement son intrigue, parvenant à rendre crédible son concept fantastique. Roméro enrichit son histoire au moyen d’une étude de personnages fouillés, mettant en avant leurs ambiguïtés morales, leur rapport à l’animalité et à leurs propres instincts primitifs. Incidents de parcours parvient à marier intelligemment film de suspens, romance, discours militant pour la cause animale et lecture psychanalytique (mère castratrice…) sans perdre de vue sa fonction de divertissement. Une réussite !

Nous avons vu ensuite le très attendu Evolution de Lucile Hadzihalilovic. Cinéaste précieuse et rare (La Bouche de Jean-Pierre, Innocence) elle nous revient avec une curiosité cinématographique pour le moins étrange. Difficile de résumer cette histoire d’un petit garçon vivant dans un village bordé par la mer qui va se rendre compte que le mode de vie de cette société matriarcale isolée cache en fait une réalité bien effrayante. A l’instar de sa collègue Joyce A. Nashawati (Blind Sun, voir JOUR 1), Lucille réalise un film solaire qui raconte une histoire à la lisière du fantastique, voire ici un pied dans la science-fiction, prenant pour cadre une île grecque. Elle fait preuve d’une véritable singularité dans son traitement thématique et formel, parvenant en l’espace d’un plan a priori anodin à créer un sentiment d’étrangeté qui ne quittera jamais le récit. Ne serait ce que le lieu dans lequel se déroule le film, ce village en pierres blanches entouré d’un sol en roches volcaniques qui participe au contraste avec cette nature à la fois paisible et hostile. Et c’est de ce contraste que joue avec beaucoup de subtilités la cinéaste dans les relations entre ces femmes asexuées et ces garçons prépubères dont la fonction reproductrice crée des images pour le moins dérangeantes. Le film souffre cependant de carences dans son écriture, ne parvenant pas à cacher les idées abandonnées au cours de l’écriture sous la pressions des producteurs. Mais c’est avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité qu’elle suture les vides entre ces scènes, adoptant le point de vue innocent de son jeune personnage qui renforce cette idée de mystère. Evolution est un poème fantastique troublant, imparfait dans sa structure mais au final s’avère être un bel objet de fascination.

Et nous avons terminé en beauté(s) avec le désopilant The Virgin Psychics de l’hyperactif punk Sono Sion. Troisième film du cru 2015 à sortir en festival chez nous, cette adaptation de manga de Wakasugi Kiminori (Detroit Metal City), est la deuxième incursion du cinéaste dans l’univers des puceaux paranormaux après la série réalisée par ses soins en 2013 Mina Esper dayo!. Investi de pouvoirs de télépathie alors qu’il se soulageait manuellement sous les effets d’un rayon cosmique, le jeune Shotaro (Shôta Sometani ), lycéen à la recherche de sa promise, va intégrer un groupe de super-zéros obsédés du cul dans le but de protéger le monde d’autres psychics mal intentionnés. C’est sur un pitch d’une rare débilité que ntre ami Sono Sion va donner libre court à sa fantaisie et offrir aux spectateurs libidineux que nous sommes un festival délirant de jolies japonaises en sous-vêtements. Super pouvoirs crétins, scènes absurdes et fan service à tous les étages, ce film financé par les boîtes à branlettes Tenga est un régal d’humour, de sexe et de naïveté, un remède efficace contre la morosité ambiante. Sono Sion réussit habilement à glisser ici ou là une réflexion bien sentie sur notre perception des rapports amoureux, du désir et une critique de l’image déformée de la femme japonaise par l’industrie du sexe et de notre propre comportement face à elle. Sans oublier ce discours à l’intention des otakus qui rappelle aussi les intentions de Hiedaki Anno dans son œuvre Evangelion qui est d’inciter les gens à vivre leur vie plutôt que d’en être des acteurs passifs. Le film fonctionne moins bien que sur son format court en série TV, Sono Sion, pressé par le temps et par excès de générosité réalisant un film mal équilibré et boursouflé par moments mais, hypnotisé par le balancement de ses ravissantes poitrines sur l’écran de la salle de cinéma, il m’est impossible d’être totalement objectif devant un si beau spectacle!

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