Cannes 70 : les pépites de Cannes Classics

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70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Écran Noir, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd’hui, J-15. Retrouvez nos précédents textes du dossier Cannes 70 en cliquant sur ce lien.

Alors que la nouvelle sélection de Cannes Classics vient de nous être (enfin) dévoilée, voici nos coups de coeur très personnels sur les belles découvertes faites depuis la création en 2004 de cette case rétrospective officielle du Festival de Cannes, par ordre chronologique de passage sur la Croisette. Hasard ou intérêt tout personnel de l’auteur de ces lignes, une grande majorité d’entre eux est issue du programme de restauration de la World Cinema Foundation, l’association présidée par Martin Scorsese, qui aide les pays en voie de développement à sauvegarder leurs trésors cinématographiques.

Mélodie pour un tueur (Fingers) de James Toback (Etats-Unis, 1977 ; Cannes Classics 2008)

Le premier film de James Toback est redécouvert grâce à Jacques Audiard qui s’en inspire pour réaliser un remake radicalement différent, malgré des prémices et certaines scènes très proches : De battre mon coeur s’est arrêté, avec Romain Duris dans son premier rôle «adulte». Dans le film d’origine, on découvre un Harvey Keitel dans son premier premier rôle après quelques seconds rôles marquants pour Martin Scorsese (Mean Streets ; Taxi Driver). Dès la première scène, le ton est donné. On le découvre à son piano, totalement habité par une toccata de Bach dans l’attente d’une audition qui pourrait le mener à jouer au Carnegie Hall. Lorsqu’il sort de la rue, il ne quitte pas son transistor encombrant, écoutant aussi bien Bach que des standards de soul music, prétextant que c’est ce qui l’empêche de devenir dingue. Mais comme le lui fait remarquer son père, fan du crooner Jimmy Vale, il l’est déjà. Ce qui pourrait n’être qu’une boutade reflète un vrai malaise. Une sexualité hésitante, une déception amoureuse, une famille qui pèse sur son moral défaillant et une vie qui ne semble pas vouloir décoller à 32 ans. Sa nervosité se reflète physiquement et malgré un vrai talent au piano, il se met dans des situations dangereuses, provoquant des conflits, incapable de dire non, mettant en péril son futur éventuel en risquant de se blesser ses mains si précieuses. Ses «Fingers» (les doigts) sont en effet au coeur de ce polar noir, sur les touches d’un piano, pour tenir un revolver, pour se battre à poings nus… Comme s’il était en quête non pas de réussite mais d’un échec qu’il ne semble pas pouvoir, ou vouloir, éviter. Le désenchantement présent dans les grands films américains des films des années 70 se reflète dans cette œuvre d’une grande noirceur, portée par Harvey Keitel, au jeu imposant et étrangement attachant, dans ses failles et ses renoncements. Michael V. Gazzo (alias Niels Arestrup chez Audiard) est ce père en bout de course qui utilise son fils car il n’a plus que lui à utiliser. L’acteur qui dort (involontairement) avec un cheval dans Le Parrain 2 est parfait avec ce costume très jaune qu’il ne quitte pas, sa voix grave éraillée et son incapacité à prononcer le nom de sa fiancée irlandaise. Tisa Farrow, soeur de Mia et dont la carrière fut trop brève, est parfaite dans le rôle d’une femme partagée entre ce jeune homme indécis et un drôle de costaud incarné par Jim Brown, connu pour Les 12 Salopards. La scène de la prison où Harvey Keitel passe une nuit est à l’image de ce personnage trouble et passionnant, la seule où il s’avère capable de jouer du piano, même imaginaire, en public. Ses compagnons de cellule apportent un des moments les plus légers de ce film tendu. La copie, alors en 35mm, était magnifique.

Un été sans eau de Metin Erksan (Turquie, 1964 ; Cannes Classics 2008)

Tout commence par un conflit autour de l’eau. Deux frères possèdent un terrain sur lequel se trouve la seule source d’un village. Lors d’un été particulièrement aride, l’aîné refuse de partager avec ses voisins, au dam de son cadet, plus généreux, qui le prévient que son égoïsme aura de graves conséquences. Une prédiction qui s’avérera juste : les tragédies vont se succéder et la vie heureuse qui se préparait est heurtée par la trahison et la lâcheté d’un homme. Metin Erksan est un réalisateur turc (1929-2012), méconnu en dehors de son pays. Susuz Yaz, Ours d’Or à Berlin en 1964, est l’une de ces restaurations de la World Cinema Foundation. La mise en scène est clairement héritée du meilleur du néo-réalisme italien : une approche documentaire d’une histoire mélodramatique, de beaux partis de mise en scène comme ce paysage qui virevolte pour souligner la détresse de son héroïne ou une agression violente d’un homme par un groupe dans un rythme accéléré. Une histoire simple mais émouvante et lyrique. Un drame soutenu par des personnages forts, ces deux frères aux tempérament différents et la fiancée du plus jeune, convoitée par l’aîné, un homme qui se perd dans son rejet de l’autre et dans son repli sur lui-même et son territoire. Les interprètes sont admirables : Ulvi Dogan et Erol Tas en frères ennemis et Hülya Koçyigit en jeune femme amoureuse. La tendresse et l’humour ne sont pas absents, surtout dans les premières scènes comme celle où les deux jeunes amoureux quittent le foyer de la mère de la future mariée, savoureuse par sa légèreté et les beaux sentiments qui se dégagent. En contraste avec les mauvaises intentions de ce frère qui semble être au départ un bougon pas si antipathique mais la noirceur de ses comportements, son amertume profonde, ne cesse de s’aggraver. En 75 minutes à peine, avec un art maîtrisé de l’ellipse et de la gestion de situations qui ne sont pas artificiellement étirées, Metin Erksan montre une violence que rien ne peut stopper malgré l’évidence de son impasse, sous le soleil frappant de la Turquie dans une contrée pauvre. Le noir et blanc est parfait pour illustrer la sensualité, le désir, les sentiments contradictoires. Un très beau contraste visuel relevé par la restauration effectuée par la Cinémathèque de Bologne, haut lieu de la cinéphilie, compagnon de «lutte» de Cannes Classics. Cette séance a permis à l’auteur de ces lignes de découvrir un cinéaste majeur européen trop méconnu et auquel la Cinémathèque a rendu un bel hommage en 2010 qui a confirmé les attentes de cette première rencontre.

Touki Bouki de Djibril Diop Mambéty (Sénégal, 1973 ; Cannes Classics 2008)

Nous l’évoquions déjà dans notre texte sur le cinéma africain mais impossible de ne pas revenir sur le choc esthétique et culturel de l’un des premiers chefs d’oeuvre du cinéma africain en général, sénégalais en particuliers. Dakar au Sénégal dans les années 70. Mory, ancien gardien de troupeau, conduit une belle moto avec en figure de proue le crâne d’un zébu. Il propose à sa compagne Anta de prendre le bateau qui part le lendemain pour Paris, l’eldorado pour de nombreux africains. Mais l’entreprise n’est pas aisée lorsque l’on a pas d’argent. En multipliant les actes malhonnêtes, ils vont réunir le budget mais ont-ils réellement envie de partir ? À travers leur errance, leur ennui, leur rêve d’un avenir meilleur loin de leur pays natal, le réalisateur remet en question une société perdue entre tradition et modernité. Le comportement libre d’Anta évoque une jeunesse américaine héroïque façon James Dean, allant jusqu’à adopter une silhouette de garçon manqué. Membéty entretient dans un premier temps le doute sur sa féminité, loin des canons habituels de sa communauté, de sa mère notamment. La nudité est une donnée rare dans le cinéma africain et Membéty transgresse les règles d’alors avec une scène pudique mais dont le montage transcende sa discrétion. Le cinéaste se révèle d’ailleurs être un maître dans ce domaine. Il enchaîne les plans avec un art du saut du coq à l’âne visuel qui ne cherche pas la clarté à tout prix mais à faire naître d’étranges sensations à travers des associations d’images avec vision de bêtes abattues qui symbolisent Mory et Anta comme les représentants d’une génération sacrifiée. Grâce à la restauration, les couleurs chaudes retrouvent tout l’éclat d’origine.

Dieu ne croit plus en nous d’Axel Corti (trilogie Welcome in Vienna, première partie) (Autriche, 1982 ; Cannes Classics 2009)

Vienne,1938. Lors de la Nuit de Cristal, Ferry Tobler, un adolescent juif, voit son père assassiné par les nazis. Il fuit l’Autriche et se retrouve à Prague. D’abord seul, il est confronté à l’inhumanité de ceux qui espèrent récupérer les biens de sa famille et à la corruption d’un policier. Autour de lui, la vie continue pour ceux qui ne sont pas traqués. Dans sa recherche de papiers lui permettant de passer d’un pays à l’autre, il rencontre d’autres personnes aux trajets divers qui attendent dans la peur tout le temps, dans des moments humains, parfois. L’exode de ces réfugiés de l’Autriche vers la France, en passant par la Tchécoslovaquie est parsemée de situations humiliantes, douloureuses. Ils doivent aussi bien se méfier des pro que des anti-allemands, qui ne distinguent pas ceux qui traquent et ceux qui sont traqués, le peuple vaincu ayant besoin de boucs-émissaires. Dans son portrait d’un jeune homme qui doit devenir adulte très vite, l’interprétation de Johannes Silberschneider participe à notre identification avec celui qui semble parfois extérieur à cette histoire et qui suscite beaucoup d’interrogations chez ses compagnons d’infortune plus loquaces, volubiles, qui font face à la peur en parlant et en s’exprimant. Une jeune femme à laquelle il se lie lui reproche dans un moment de détresse de se comporter comme s’il était persuadé d’avoir un destin différent de ceux qui l’entourent, comme un témoin neutre. Le jeune homme est blessé et exprime un contraste avec son attitude réservée, sa douleur étant plus intérieure.

La Campagne de Cicéron de Jacques Davila (France, 1990 ; Cannes Classics 2010)

Joli exemple de cinéma français «underground» (mais drôle et romantique) par un cinéaste méconnu qui partage le triste honneur avec Gérald Frot-Coutaz (co-scénariste de ce film d’ailleurs) ou Pierre Zucca le fait de nous avoir quitté trop tôt. Joli conte choral avec l’une des plus belles répliques du cinéma français contemporain, le «Pardon Monsieur» de Sabine Haudepin lorsqu’elle se cogne à un lampadaire dans la rue. Et pour l’un des plus beaux rôles de Jacques Bonnaffé, avec ceux qu’il tient dans Baptême de René Féret et Jeanne et le garçon formidable de Ducastel & Martineau… entre autres !

La Loi de la frontière de Lutfi Akad (Turquie, 1966 ; Cannes Classics 2011)

Lors de la présentation à Cannes Classics, le réalisateur allemand d’origine turque Fatih Akin était venu rendre un hommage appuyé à Lufti O. Akad qu’il revendique comme l’un de ses maîtres. Récemment sauvé du néant, ce film a des ruptures de ton assez fascinantes, accentuées par des bobines manquantes. Ce drame social, policier et politique devient soudain un western à l’américaine, avec son troupeau de moutons à qui il faut faire passer la frontière illégalement ou les retournements moraux de ses personnages. Les duels où nul ne fait de quartier s’inscrivent dans cette tradition. La dénonciation réaliste d’un système féodal qui nuit aux intérêts des peuples pour une poignée de privilégiés se fait ainsi sous couvert d’un film de genre hérité d’un pays lointain. La censure ne s’y est pourtant pas trompée en tentant de faire disparaître cette œuvre aux velléités anarchistes. Malheureusement, la compréhension de l’intrigue est rendue compliquée par les éléments détruits. La qualité de la mise en scène, l’image magnifique de Ali Ugur et le geste politique justifient cette restauration mais on peut regretter qu’il n’y ait pas eu l’ajout de cartons explicatifs pour pallier aux trous narratifs. Yilmaz Güney reste connu aujourd’hui comme réalisateur, surtout pour le film Yol, La Permission (qui sera projeté cette année à Cannes Classics d’ailleurs) qui lui a valu d’obtenir la Palme d’Or en 1983, alors qu’il était en prison dans des conditions terribles. Mais il fut auparavant une vedette du grand écran et cette rareté enfin retrouvée permet de renouer contact avec le grand acteur qu’il fut également.

La Zone de la mort de Victor Trivas (Allemagne, 1931 ; Cannes Classics 2011)

Véritable déclaration de guerre contre la guerre, on peut aisément comprendre pourquoi ce film de Victor Trivas a fait l’objet d’une tentative de destruction totale de la part des autorités nazies. Cinq hommes très différents se retrouvent bloqués dans une tranchée en France alors que bombes et balles sifflent au-dessus de leurs têtes. Dans le carton de générique, ils sont ainsi définis : «un français, un allemand, un anglais, un nègre et un juif». Évidemment, avec le recul ces deux dernières appellations surprennent… En choisissant des archétypes très différents, il s’agissait alors de souligner que ceux qui semblent si différents sont un peu les mêmes. Tous contraints de se battre pour un conflit qui leur est extérieur, ce repos forcé leur permet de souffler un peu. Malgré leurs différences de langues, ils parviennent à communiquer notamment grâce au talent de polyglotte de l’homme de couleur, un chanteur joyeux au civil et à celui de mime de l’Allemand. Une cave de Babel pour une ode pacifiste à une époque où se déclarer opposé à la guerre était essentiellement mal vu. La même notion de défaitisme dont avait été accusé Marcel Carné sur Quai des Brumes. Avant cette partie souterraine, on voit ce groupe hétérogène dans leurs quotidiens respectifs, loin du tumulte auquel ils sont confrontés. Avant le conflit, on travaille en usine ou dans une ferme, on chante, on se marie avec une femme qui ne semble pas heureuse de l’événement et l’esprit est à la fête et à la légèreté. Avant d’être des hommes limités par leurs origines, ils ont déjà des traits communs que la guerre ne peut pas effacer et il ne sera pas facile pour ces hommes de tirer sur ceux dont ils connaissent désormais le visage. La rage qu’ils déploient pour abattre ces barbelés qui les séparent est une scène forte, magnifiée par un très beau travail sur le cadre et les contrastes. Un film intense qui émeut sans aller dans l’emphase. Rigoureux et passionnant. Une sélection destinée, selon les mots de Thierry Frémaux à souligner «comment le cinéma du passé ressurgit dans nos vies aujourd’hui».

A Great Day In Harlem (1994, 60′) de Jean Bach accompagné de deux jazz shorties : An All Colored Vaudeville Show (4’) et Jammin the blues (11’) (Etats-Unis ; Cannes Classics 2011)

En guise de hors d’oeuvre de ce programme jazz, deux magnifiques documents. Le premier, An all colored vaudeville show met en lumière les Nicholas Brothers, deux danseurs de légende, agiles, gracieux et qui ont influencé de grands noms de la danse. Le deuxième est bien plus extraordinaire dans sa mise en scène. Jammin’ the blues est un très grand moment de jazz avec un all star band qui inclut notamment le saxophoniste Lester Young, l’un des plus grands représentants de son art, qui apparaît entouré d’un très bel écran de fumée, qui le rend encore plus mythique. Les effets de mise en scène de ce film de onze minutes tourné en 1944 sont extraordinaires et ont été maintes fois copiés depuis. La fumée enveloppe les musiciens, que l’on découvre collés astucieusement dans un effet irréel. Un film court truqué à l’ancienne, avec effets de répétitions issus de l’univers de Méliès où un intervenant se répète à l’infini. Certains des musiciens présents n’ont été filmés que lors de cette session spéciale. Marie Bryant interprète « Sunny Side of the Street » dans une version magnifique, une séquence de batterie commence comme un délicat passage de témoin et lors d’une autre des silhouettes se découpent au loin comme des ombres chinoises sur fond blanc. Un grand moment de musique au cinéma, avec des images magiques de Robert Burks. Ce directeur de la photo reconnu débutait alors et sera ensuite le chef opérateur, avec la même inventivité formelle, du Rebelle avec Gary Cooper et de La Garce avec Bette Davis, deux films de King Vidor, ainsi que de plusieurs films d’Hitchcock dont L’Inconnu du Nord-Express, Fenêtre sur cour, La Main au collet, Mais qui a tué Harry?, Sueurs froides et La mort aux trousses, entre autres. Un beau palmarès qui suit ce magnifique coup d’éclat. Un exercice de styliste brillant, un document pionnier du jazz à l’écran, à découvrir d’urgence par tout fan de jazz, d’autant plus qu’il n’existe que de trop rares documents des années 40. N’étant pas un expert, je ne les connais pas mais tous méritent d’être cités : Red Callender, Harry Edison, Marlowe Morris, Sid Catlett, Barney Kessel (le seul blanc du groupe), Jo Jones, John Simmons, Illinois Jacquet, le danseur de jitterbug Archie Savage et Garland Finney.

Troisième et dernier film présenté, A Great Day in Harlem raconte l’histoire d’une photographie qui semblait impossible à réussir. Celle d’une photo prise à Harlem et qui a permis de réunir les plus grands noms du jazz, du plus connu, à nouveau Lester Young, accompagné de Charlie Mingus, Thélonius Monk, qui se comporte en diva attachante ou le plus effacé Count Basie jusqu’aux plus jeunes. Gerry Mulligan, Art Blakey, Roy Eldridge, Bud Freeman, Dizzy Gillespie, Benny Golson, Coleman Hawkins, Hank Jones, Gene Krupa, Sonny Rollins, Horace Silver et bien d’autres sont là, et comme le dit un intervenant qui s’amuse de leur nonchalance, ce qui compliqua la tâche du photographe : «imaginez s’ils étaient venus avec leurs instruments !». On ne peut que le regretter mais ce documentaire est extraordinaire, presque trop court, une heure à peine.

La photo a été prise en 1958, en noir et blanc, mais passionnées par l’idée, plusieurs personnalités présentes ont pris d’autres photos, et même filmé en super 8, en couleur. Ces images, la plupart inédites sont réunies dans un montage autant émouvant que pédagogique. Comme le précédent film, celui-ci a également été nommé aux Oscars, le premier en 1945, ce dernier en 1995. Quincy Jones est le narrateur discret de ce film important qui a enregistré les commentaires des derniers participants encore vivant au milieu des années 90, qui reviennent sur cette journée historique avec émotion, et pudeur. Parmi les intervenants, le photographe Art Kane, qui n’avait jusqu’alors pris que de très rares photos, ce qui a ainsi lancé sa nouvelle carrière et le futur réalisateur Robert Benton (Kramer contre Kramer) à l’initiative de cette photo pour la revue Esquire. La dimension historique de ce film est importante, presque autant que la photo d’époque et on ne peut que remercier la réalisatrice Jean Bach alors productrice pour la radio qui s’est lancée dans ce projet alors qu’elle n’avait jamais réalisé de film.

En bref, laissez-vous séduire encore par d’autres pépites, si vous trouvez les DVD ou BLURAY ou, mieux encore, si vous les voyez programmés dans un bon cinéma près de chez vous : Transes d’Ahmed El Maanouni (Maroc, 1981; Cannes Classics 2007), captation sous forme de docu-fiction de concerts du groupe marocain Nass El Ghiwane, invités après sa découverte du film à faire partie de la bande-son de La Dernière Tentation du Christ ; Gamperaliya, Changement au village (1965 ; Cannes Classics 2008) du sri-lankais Lester James Peries, doyen actuel des cinéastes (il est né en 1919), l’histoire d’un bel amour sacrifié au nom des conventions sociales, balayées par une crise économique ; The Savage Eye de Ben Maddow, Sydney Meyers et Joseph Strick (Etats-Unis, 1960 ; Cannes Classics 2008), objet de cinéma libre, à la fois documentaire sur la ville de Los Angeles et fiction sur une femme divorcée qui tente de refaire sa vie ; Réveil dans la terreur de Ted Kotcheff (Australie, 1971 ; Cannes Classics 2009), l’acte de naissance du cinéma australien tel qu’on le connaît aujourd’hui ; Final Cut de György Palfi, enchaînement majestueux de baisers de cinéma (Hongrie, 2012 ; Cannes Classics 2012) ; Harold and Lilian : a Hollywood Love Story de Daniel Raim (Etats-Unis, 2015 ; Cannes Classics 2015), documentaire passionnant sur un graphic designer qui a notamment créé les storyboards de plusieurs films d’Hitchcock, accompagnant discrètement sa mise en scène et le très émouvant film politique Joe Hill de Bo Widerberg (Suède, 1971).

Enfin, l’an dernier fut riche en découvertes de qualité avec Amour de Karoly Makk (Hongrie, 1971) ; Dragées au poivre de Jacques Baratier (France, 1963), en présence de Guy Bedos, très ému ; Mémoires du sous-développement de Tomas Gutiérrez Alea (Cuba, 1968) ; Momotaro Le Divin soldat de la mer (1945) de Mitsuyo Seo, le film d’animation japonais, loin d’être le film de propagande que l’on pouvait craindre ; le western mexicain Tiempo de morir (1966) qui marquait les débuts de Arturo Ripstein et last, but not least, Ikarie XB 1 de Jindřich Polák. En salles depuis le 19 avril dernier, cette petite merveille de science-fiction de la République tchèque peut être vue comme un ancêtre de 2001 ou de La Planète des vampires de Bava, avec une dimension métaphysique inattendue. Le scénario est adapté d’une nouvelle de Stanislaw Lem, l’auteur de Solaris. Si le réalisateur n’est pas Tarkovski, il fait preuve d’un sens de l’image très marqué avec des séquences fortes de tension psychologique et manie l’art de désorienter ses personnages dans sa façon de les placer dans le cadre. La dimension la plus surprenante du film, et ce qui le rend si fort, est la façon dont il rend justice aux thématiques de l’un des plus grands auteurs de la littérature russe par sa mise en valeur d’une morale pacifiste, toujours un peu inattendue pour un film du bloc de l’Est au temps de la toute puissance de l’URSS.

Terminons ce tour de piste bien trop court des belles découvertes faites grâce à Cannes Classics (nous avons volontairement exclu les chefs d’oeuvre reconnus depuis longtemps présentés en version restaurée) en évoquant très brièvement les propositions de films rares de la prochaine édition qui nous font saliver : Un petit carrousel de fête de Zoltan Fabri (Hongrie, 1956) ; Vers l’inconnu de Georges Nasser (Liban, 1957) ; Siège de Gilberto Tofano (Israël, 1969) ; Babatu Les Trois conseils de Jean Rouch (Niger, 1976) ; Soleil O de Med Hondo (Mauritanie, 1970) ; Lucia (Cuba, 1968) de Humberto Solas d’une durée de 2h40 ; Sang noir de Pierre Chenal (Argentine, 1951) (1h47) ainsi que la sélection de courts-métrages présentés en compétition à travers les années et last but not least L’Atalante de Jean Vigo, certes classique ultra reconnu mais qui est le seul film annoncé en 35 mm et sera l’occasion de rendre hommage à Lucie Vigo, fille de Jean et surtout cinéphile émérite et généreuse dans sa volonté de transmission de sa passion.

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