Back To The Past #23

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Amis cinéphiles, bienvenue ! Ton site préféré te propose les Madeleines de Proust de David : par moult souvenirs et autres petites anecdotes, notre rédacteur te racontera comment s’est forgée sa cinéphilie durant sa prime jeunesse, laquelle a considérablement évolué durant son adolescence et son entrée dans l’âge adulte.

Cela s’appelle « Back To The Past », et vous retrouverez un nouvel article tous les vendredis. Au programme cette semaine, des mains, une campagne accueillante et une gouvernante !

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Attention, chef-d’oeuvre ! Oui, je sais, vous allez dire « terme galvaudé », « David rabâche » et autres « à moi, on me la fait pas » ; non, non, là, on parle bien d’un grand film, d’une pière angulaire du cinéma fantastique. Si vous avez apprécié les magnifiques œuvres sombres et horrifiques de Guillermo Del Toro que sont L’Echine du diable, Le Labyrinthe de Pan et Crimson Peak, ou bien Les Autres d’Alejandro Amenabar et L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona, alors la grande œuvre de Jack Clayton, réalisateur britannique peu connu, est faite pour vous, tant ce long-métrage de 1961 en est la matrice originelle.

Ah la la… Rien que l’ouverture me donne des frissons et des larmes, me remémore le souvenir de la découverte du métrage de Jack Clayton… Une voix d’enfant chantant une comptine, 30 secondes d’écran noir, puis l’apparition du logo de la 20th Century Fox, et l’image de deux mains de femme récitant une prière, comme pour se protéger d’événements ultérieurs… Le ton est donné, mélancolique, triste, on sait que cela ne finira pas de manière idyllique…

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Adaptation d’une célèbre nouvelle de Henry James, Le Tour d’Ecrou, le film conte l’histoire dans l’Angleterre de la fin du XIXème siècle de Miss Giddens, une gouvernante se voyant chargée par un homme de l’éducation de ses deux enfants, Miles et Flora, qui vivent seuls avec leur nourrice. Arrivant dans le manoir déterminée à bien faire son travail, elle est alors témoin de comportements étranges de la part des enfants, pourtant généralement sages comme des images, ainsi que de phénomènes inquiétants… Elle apprend par la suite que la précédente gouvernante et le valet ont entretenu une liaison dans le secret et ont alors disparu dans des circonstances inconnues.

Nous sommes dans le mitan des années 1990 par une froide nuit d’hiver dans les alentours de minuit. Le journal de la nuit se termine sur France 3, et le célèbre indicatif musical « Les Etoiles du Cinéma » composé par Francis Lai commence …

Là, une voix incontournable, mythique de toute une génération de cinéphiles résonne dans les hauts-parleurs de la télévision familiale : celle de Patrick Brion, historien du cinéma, créateur du ciné-club de la deuxième chaîne de l’ORTF en 1971, et qui contribuera également à la création de la mythique Dernière Séance animée par Eddy Mitchell, et son double programme entrecoupée d’actualités d’époque et d’un cartoon de la MGM. Patrick Brion est le Monsieur Cinéma de l’histoire de la télévision, ayant permis la diffusion de tous les classiques de l’horreur de la Universal tels Frankentein ou Dracula, la redécouverte de l’oeuvre de Douglas Sirk et des cartoons déjantés de Tex Avery, et de grands classiques hollywoodiens et européens via ses émissions et ses ouvrages à la qualité superbe.

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Votre serviteur est donc bien préparé à recevoir une mandale cinématographique dans la gueule… Et ce sera le cas, oh oui ! Porté par une mise en scène éblouissante fluide et élégante, et la photographie incroyable de Freddie Francis, réalisateur de bon nombres films pour la compagnie Hammer Films, qui utilisa une focale pour augmenter la profondeur de champ, le long-métrage est d’une incroyable splendeur visuelle, qui n’a cessé et ne cessera jamais de m’éblouir par sa perfection et sa beauté, même après de multiples visions.

Mais la qualité de l’interprétation n’est pas à oublier non plus : Deborah Kerr, dans le rôle principal de cette gouvernante prête à tout faire pour la qualité de son travail et le bien-être de ces deux enfants, est absolument prodigieuse. Déjà éblouissante en nonne dans le mirifique Le Narcisse Noir de Michael Powell et Emeric Pressburger, elle incarne magnifiquement son rôle de femme dévouée, passant en deux secondes de la sérénité à l’effroi. Passé le générique de fin, l’on n’oublie pas de sitôt ces grands yeux, ce visage prêt à basculer dans la peur, voire la folie.

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Culminant lors d’un duel final inoubliable dont je vous laisse évidemment la surprise, l’oeuvre de Jack Clayton est, dès ses premières minutes, malgré la campagne verdoyante et le soleil rayonnant de sa lumière le manoir, comme mélancolique, lugubre ; comme si Clayton nous invitait à une lente et douloureuse oraison funèbre… Mais s’agit-il de l’oraison funèbre des deux bambins, ou de cette Miss Giddens, issue de la bourgeoisie catholique anglaise, prête à tout, jusqu’à la mort, pour protéger ces enfants ? Et ces événements, ces étranges apparitions, ces enfants qui semblent s’en amuser ou faire avec, comme si c’était normal ?… Le film, au fur et à mesure, questionnera la santé mentale de sa protagoniste principale, et ne cessera, jusqu’à la scène finale, de cultiver l’ambiguïté…

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Mise en scène, technique, interprétation, scénario… Tout est réuni pour faire du long-métrage de Jack Clayton une immense œuvre, l’un des joyaux du cinéma fantastique européen, un pivot du genre qui traumatisera toute une génération de cinéphages et influencera grandement toute une bande de réalisateurs, que cela soit en Italie, en Espagne, en France et même aux Etats-Unis, au point de devenir l’un des plus grands classiques du film de maison hantée.

Bref, un bijou à voir de toute urgence !

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